Yvonne 6/8
En elle-même, Yvonne a remarqué un véritable changement. Redevenue coquette comme lorsqu’elle était jeune femme, elle choisit ses vêtements avec soin ; une fois qu’elle a brossé ses dents après le petit déjeuner, elle a plaisir à rougir ses lèvres ; extirpant un miroir de son sac à main, elle les colore à nouveau lorsqu’elle sent que le rouge est devenu fade.
Quand elle se moque gentiment d’elle, elle se dit, triviale, que le déblocage de son cul lui est monté au cerveau. Que la découverte poussée des capacités de son corps comme de son sexe se font fédérées pour la métamorphoser. Pour faire d’elle une nouvelle femme. Elle est comme neuve. Héroïne de sa propre existence. Une femme qui a, enfin, cessé de boiter parce qu’il manquait à sa vie une part d’équilibre dont elle s’était passée durant des années.
À soixante-huit ans, Yvonne est une femme affranchie et accomplie. Une femme assumant avec le sourire une part d’elle trop longtemps remisée qui lui permet dorénavant de continuer à vivre autrement. Elle se sent régénérée par une nouvelle pousse qui n’a de cesse de la surprendre. Qui n’a de cesse de se développer.
Depuis quatre années, Yvonne fréquente Maurizio. Il a trente ans de moins qu’elle. Elle l’a rencontré dans un thé dansant où elle s’était rendue sur l’invitation de son amie Marie-Jo. Coincée par un lumbago de dernière minute, Marie-Jo n’était jamais arrivée. Pendant qu’elle l’attendait encore avant de profiter de la piste de danse, Yvonne avait longuement regardé les personnes présentes. Une douzaine de couples sur la piste et autant de femmes qui dansaient entre elles. Ce jour-là et pour la première fois, Yvonne s’était surprise à observer en cherchant ce qui, chez les autres, était le potentiel révélateur de leur état sexuel : étaient-ils pratiquants ou non pratiquants ? Cette lubie l’avait amusée. Elle avait extrait de son sac à main un bout de papier sur lequel elle notait des barres, établissant un code personnel qu’elle trouvait jubilatoire. (…)