Voyage en Chine
Liliane — Yolande Moreau — est mariée à Richard. Couple vieillissant encore actif professionnellement, oublis et dissimulations, la routine d’une longue vie ensemble avec, semble-t-il, une certaine bienveillance.
Une nuit, le drame survient. Un appel téléphonique arrive de loin et néglige le décalage horaire. Liliane s’effondre, elle vient d’apprendre la mort de son fils. Le fils. Elle est en colère, rejette Richard le pleutre, elle pleure.
Aux prises avec une administration illisible et peu coopérative, Liliane décide de partir seule en Chine, à la rencontre du cadavre de son fils mort dans un accident de scooter.
À petites touches, Zoltan Mayer narre l’histoire simple d’une mère bouleversée, d’une vie qui bascule et emporte au-delà de ses propres frontières. Sensorialité à l’image. Plans lents, esthétique léchée jamais suffisante. Barrière du langage créatrice d’attentions inattendues.
La mère découvre l’appartement de son fils. Ses pas dans les siens elle en appelle à son odeur, touche ses objets, fume ses cigarettes. Elle aurait tant voulu qu’il ait fait signe. Qu’elle ait pu, avant que la mort l’en prive, partir à la rencontre de ce fils photographe devenu si lointain, par la force de la distance, du non-dit, de la fierté mal placée et de ce qui n’a pas été réglé. Avant. Et qui ne le sera jamais, dorénavant.
Entre doués de sensibilité, le lien se tisse. Un peu d’anglais, quelques mots de français, Liliane apprend le mandarin et s’essaie à une langue qui la fascine. De bus en pousse-pousse, elle arpente le pays, s’installe dans une pension, reçoit soutien et empathie, rencontre les amis de son fils, l’amoureuse aussi.
Humanité à fleur de peau, larmes et émotions, les personnages sont dignes et beaux dans le drame qui les unit. Le printemps est timide, ciel gris au-dessus des cerisiers en fleurs, manteaux et écharpes sur les corps. Liliane finit par acheter son billet de retour. Les papiers sont en règle, Christophe a été incinéré, il sera plus simple de rapatrier ainsi le « corps ».
Voyage en Chine emporte dans un autre monde. Un ailleurs où l’on vénère les pandas, où les bambous sont énormes. Un monde où se partagent des secrets de cuisine, un verre d’alcool de riz à la main, un sourire gourmand aux lèvres. Où la complicité est partout et la découverte de l’autre, l’étrangère, source d’attrait, d’engouement, de curiosité enjouée. Pendant ce temps, les pâtes de riz sèchent à l’air de la rue.
Tandis qu’il traite d’un sujet grave et triste, Zoltan Mayer parvient à faire sourire en racontant, avec beaucoup de poésie, une histoire sensible, ni carte postale ni cliché. À des milliers de kilomètres de l’ennui dans lequel l’époque nous saisit, souvent, ici.
Zoltan Mayer sur RFI avec Élisabeth Lequeret et Sébastien Jedor.