Speaker’s Corner #2
Épisode 1 à lire ici.
« Alors puisqu’on fatigue à se faire rincer sans relâche depuis le changement de monnaie accompagné d’une dramatique main-mise médiatique, il serait peut-être temps qu’on se fâche, vous ne croyez pas ? Qu’on lâche les amarres de la retenue et puis on verra bien ce qui arrivera. Si ceux que nous engraissons malgré nous continuent dans le tohu-bohu qui leur est si familier ou bien si au contraire, l’honnêteté leur revient, accompagnée de sens moral et de sobriété.
« Oh, mais qu’on ne se méprenne pas. J’en appelle à l’esprit citoyen pacifié. À la solidarité d’un peuple opprimé par la classe dirigeante. Par les industriels avides, les actionnaires rapaces, les marchés détraqués, la finance mercenaire. Un peuple qui s’allie et se rassemble pour dire massivement non à la tyrannie qui tente un passage au forceps. Celle-là même qui prend à revers les revanchards et les porte à asseoir au pouvoir les médiocres haineux et les féroces margoulins, joliment déguisés derrière des discours policés qui cachent la haine première et la violence de leur mépris. »
Autour d’elle un attroupement maintenant. Une quarantaine de personne on dirait. Un homme l’invective. Elle suspend sa parole, hésite à lui répondre mais poursuit son discours :
« Nous devons tenir bon ensemble. Refuser ensemble. Dire non d’une même voix. Sans quoi, je suis au regret de vous informer que nous autorisons le retour à la barbarie. La continuité de l’asservissement qui ne se nomme pas mais deviendra de plus en plus violent. L’esclavage nous guette. Notre division c’est la porte ouverte à la victoire du diviser-pour-régner qui nous fait régresser, jouer chacun pour soi, vouloir tout pour soi, que les autres se débrouillent. Une société est un collectif. Important de ne pas l’oublier. De garder cette ligne de mire. Un collectif, c’est un rassemblement de personnes qui ont un intérêt en commun : celui de préserver leur pays du monstre obscurantiste à la solde d’un système économique qui, après avoir joué à la roulette russe, pointe du doigt un autre responsable de la crise qu’il a fabriquée par ses calculs spécieux savamment dissimulés. L’autre, l’étranger, celui qui inquiète par ses différences. C’est le premier à se voir incriminé depuis la nuit des temps.
« Peut-on changer de mode opératoire ? Accepter de rendre leur responsabilité aux véritables responsables ? C’est-à-dire ceux qui défiscalisent, ceux qui détournent, ceux qui magouillent sans vergogne et demandent au peuple de réparer leurs échecs. Je ne veux pas payer, être endommagée pour des torts ou des erreurs que je n’ai pas créés. La crise, ce n’est ni ma faute ni ma responsabilité.
« Nous aider. Nous aimer. Nous soutenir. Vivre ensemble du mieux qu’on le peut et ranger les vieux dossiers comme les rancœurs trans-générationnelles qu’on répète sans même savoir pourquoi. Vider la haine, purger les regrets et dire non à la barbarie qui sourd. Pour tenir bon et renverser le pouvoir à la solde des interêts financiers d’un tout petit nombre. Le plus grand nombre, c’est nous. »
Elle s’arrête, respire lentement et descend de son piédestal. Elle replie le siège, le glisse sous son bras et prend le chemin vers la sortie. Le public se prend à échanger quelques mots. Puis le débat survient. En s’éloignant, elle écoute, sourire aux lèvres, Premier acte, se dit-elle.
3 réflexions sur « Speaker’s Corner #2 »
Des mots puissants qui dénoncent la réalité. Cette réalité qui va se poursuivre encore et toujours. Comment pouvons-nous les arrêter ? Nous sommes nombreux et indignés et pourtant impuissants.
Suivre l’exemple de l’Espagne : la marque de la boisson gazeuse au cola annonce un plan de licenciement… les Espagnols arrêtent d’acheter ladite boisson. C’était en février.
A lire ici : http://www.courrierinternational.com/article/2014/06/18/le-boycott-de-coca-cola-a-fonctionne
Puisque l’argent fait le pouvoir. Alors le consommateur a le pouvoir…