Soigner l’esprit, guérir la Terre
Somme d’un travail de recherche en écopsychologie, Soigner l’esprit, guérir la Terre apporte à la psychologie réflexions et outils pour concevoir le patient au sein du monde. Au-delà, l’ouvrage est accessible à quiconque cherche à comprendre ce qui dysfonctionne dans ce monde et pourquoi l’être humain a tant de peine à se réinventer. Une piste : tant que nous serons malades de destruction comme de domination et déconnectés de la nature, peu de chance de guérison.
Michel Maxime Egger rappelle combien il importe de dépasser la vision freudienne, devenue réductrice, pour inclure l’approche de Jung aux réflexions et aux savoirs. Tout comme de celle de ses adeptes qui théorisent et pratiquent une thérapeutique en phase avec son temps.
Au sein d’un monde souffrant notamment de la destruction de la biodiversité, mais aussi du fait de la menace liée aux dégradations causées par des humains, comment ne pas envisager les errances existentielles au regard de ces douleurs « écologiques » ? Parties prenantes du mal-être, de la maladie, elles deviennent parties prenantes de l’accompagnement vers la guérison.
L’auteur pointe le dualisme homme femme. Pour lui, les dégâts causés à la planète sont liés à l’oppression faite aux femmes et au féminin. Un problème d’androcentrime face à ce qui est porteur de vie, de fertilité.
« Les schémas développés par les cultures patriarcales pour posséder et maîtriser à la fois la terre et la femme n’ont rien perdu de leur prégnance jusqu’à aujourd’hui, malgré l’évolution indéniable des mentalités et l’émancipation des femmes. »
Nous sommes parties d’un tout. Faire abstraction, en thérapie comme ailleurs, des liens invisibles reliant humain et nature, omettre les névroses et autres maux qui émanent de ce lien souvent brisé, ce serait nier une part essentielle : celle qui relie chaque cellule, chaque fibre d’un être à sa nature première planétaire.
« Puisque la santé des être humains et des écosystèmes sont interdépendantes, les maladies des premiers peuvent devenir les signes des maladies des seconds, et inversement. […] Dans la mesure où il dégrade les capacités autorégénératrices de la nature dont il est inséparable, l’être humain agit sur elle comme une maladie auto-immune. […] Quand l’être humain met à l’épreuve le système immunitaire de la planète, celui-ci agresse en retour le système immunitaire de l’être humain et affecte sa santé physique mais aussi mentale. »
Par voie de conséquence, pour guérir la Terre, pour sortir de la crise écologique qui menace l’écosystème dans toutes ses composantes, il est indispensable de soigner son esprit, sa vision du monde, sa capacité à manquer de respect à la Terre comme à tout ce qui est porteur de vie. Sa capacité à outrager les femmes.
En somme, chacun.e détient une part de la solution : se défaire de son angoisse de vivre transformée en désir de domination, d’asservissement, de conquête et de destruction, pour devenir un.e humain.e responsable du respect dû à la planète, au vivant.
« Les publicitaires — aidés d’ailleurs par des psychologues — ont depuis lors affiné les techniques visant à instrumentaliser les ressorts intimes de la personne. Par exemple, stimuler l’angoisse du manque — inscrite dans la psyché humaine par des siècles de pénurie et sous-tendue par la peur de la mort — va servir à célébrer la croissance comme anesthésiant de nos angoisses ainsi qu’à promouvoir l’accumulation de biens comme formes d’assurance contre la fragilité e nos corps et psychés. »
À travers cinq parties divisées en chapitres, Soigner l’esprit, guérir la Terre, introduction à l’écopsychologie est un ouvrage passionnant et riche d’enseignements. Il est publié aux éditions genevoises Labor et Fides.
Cet article a été initialement publié le 7 février 2016 dans les pages du site.