Sans filtre
Le cinéma parfois me laisse pantoise. Surtout quand il semble que de gros moyens soient déployés, notamment financiers, pour un résultat aussi médiocre.
L’amie avec laquelle j’ai partagé cette séance récente me faisait remarquer a posteriori que nous aurions pu très vite quitter la salle plutôt que de nous infliger deux heures trente lénifiantes, vides de sens mais débordant d’outrances injustifiées et, finalement, sans grand espoir concernant l’espèce humaine, ni fond ni propos. Le film du néant…
Quand le nihilisme gagne l’image. Qu’un réalisateur côté tente une fresque satirique sans y parvenir. Quand des plans sont autant de clins d’œil à d’autres films dont ils s’inspirent sans composer le patchwork qui les feraient tenir les uns avec les autres en une sorte de narration. Quand tout est plat. Que l’histoire enfonce des portes ouvertes et tresse les poncifs en une guirlande prétentieuse… on peut se demander en effet pourquoi et comment nous n’avons pas décampé plus vite.
En résumé
Une première longue scène de recrutement de mannequins hommes torse-nu. Des corps sculptés, des gueules, des postures. Un pseudo interviewer qui essaie d’être drôle.
Un couple de jeunes beaux qui se font des nœuds au cerveau pour savoir qui paie quoi, parce que quand même, être un homme qui assume systématiquement la note au restaurant, c’est old fashion non dans la tentative de déconstruction du patriarcat [blablabla] ? Elle est influenceuse et met sa vie en scène avec son bellâtre. Il tente d’être mannequin, on l’a vu au recrutement des torses-nus. Leurs rapports sont inexistants sinon à travers des chamailleries ineptes, de pauvres mises en scènes pour émoustiller leurs relations sexuelles.
Le nombreux personnel d’un yacht se prépare à l’accueil de richissimes pour une croisière de luxe. Émulation par la cheffe d’équipe, tout le monde en uniforme. Aux ordres et au service, sourire aux caprices, en attendant le super pourboire bien sûr ! Et puis, sur le pont inférieur, l’équipe des petites mains asiatiques qui œuvrent au ménage, à la préparation des légumes, aux basses tâches…
Nous retrouvons le couple de l’influenceuse qui a gagné ce voyage. Elle pose en maillot. Il la photographie. Elle choisit les clichés et poste sa vie en ligne. Ça a l’air d’un pénible…
Diner avec des inconnu.es à leur table. Vaine tentative d’échanges avec ces gens-là. C’est creux. On s’ennuie ferme.
Le capitaine du yacht est un alcoolique retranché dans sa cabine dont il finira par sortir, déjà cuit, pour le dîner du capitaine, sorte de soirée de gala. Le gros temps survient en mer et la soirée dérape. Tangage et retangage. Ça vomit en jets orange dans la salle de restaurant. Tout le monde est patraque sauf le capitaine et un passager russe qui se vante de vendre de la merde et picole dru. Tous les deux s’arsouillent allègrement et regagnent la cabine du capitaine. Ils ouvrent le micro permettant de contacter l’ensemble des ponts du bateau et débitent successivement les phrases d’hommes connus [Martin Luther King, J. F. Kennedy, Noam Chomsky…]. Poncifs à la chaîne, phrases hors contexte comme autant de sentences. Plus ils boivent plus leur concours de citation ennuie.
Et puis, certaines passagères sont effondrées dans la salle de bains de leur cabine, roulées par le tangage dans leur vomi. Jusqu’au débordement des toilettes en geyser… Pfff !
Je passe quelques scènes tant c’est l’usure. Une partie des passagères et passagers débarque sur une île et le pouvoir change de mains. Celle qui sait pêcher sans canne, allumer un feu sans briquet… celle qui assure la survie du groupe devient la cheffe. Elle mange plus que les autres et adopte le bellâtre en objet sexuel. Pfff…
Au-delà de ses tentatives de caricatures et de satire, si le film se veut drôle, il n’y parvient hélas pas. Et la fin qui n’en finit pas d’être sans fin…
Je me suis pincée à plusieurs reprises pour admettre que cet objet était la 2e palme d’or du réalisateur Ruben Östlund. J’avais auparavant trouvé un peu de matière à travers les clichés duSquare sur le monde de l’art. Cette fois, dans le triangle de la tristesse sans filtre, c’est le néant absolu !