Pour votre sécurité… 3/7
(…) Dès sept heures trente l’endroit que j’occupe à laver manger dormir est surveillé. Je ne dois pas y rester. C’est la règle à respecter. Et respecter c’est important pour la nation. Le journal télé radio diffusé le dit à chaque éclat.
Je suis hors champ de surveillance — c’est en tout cas ce que prétend la notice — entre zéro heure et sept heures trente. C’est la procédure. Sauf en période de reproduction.
Mensuellement et durant une semaine je dois montrer à la nation l’amour pour le prochain et le désir de démultiplier. Je dois copuler sous l’œil rouge de la caméra incrustée dans le paysage. Pour être engrossée. La notice est changée chaque fois. Il faut conformer au texte.
En plus du travail c’est le devoir que j’ai à accomplir. C’est la réglementation des êtres de ma catégorie. Qui suivent le texte et les motions prescrites. En concordance.
Je n’ai pas choisi celui qui est coéquipier. Mais je dois user des principes de référence. Faire que la semence fertilise le ventre.
Le partenaire ne convient pas. Il n’est pas au goût. L’odeur est âcre. La peau est grêle. Il n’est pas propre. Il ne sait pas. Il n’aura rien de moi.
Il est en mission de fertilisation. La semence ne fonctionne pas. Selon les analyses. Il est sous surveillance technique.
A-t-on jamais pensé à la capacité que j’avais de ne pas la retenir ? De la laisser glisser hors avec le dégoût qu’elle inspire ? De l’obliger à ne pas traverser les organes de mon appareil ? Le ventre fermé à cette exhibition. À cette obligation.
Et pour service rendu de voir intégrer un nouveau travail après la mise hors du corps d’un enfant. Confié aux services nationaux de mise en conformation.
Je ne veux pas de ça. Je me moque de changer de travail parce que j’aurais donné un enfant.
À sept heures trente je referme la porte sans la verrouiller. Caméra et détecteurs servent de clé. Ainsi qui de droit peut aller vérifier les micros. Les caméras. Les détecteurs. Les plaques de cuisson. Pendant que je travaille. Installer d’autres prises. Assurer le nettoyage de l’appartement.
Je ne pourrai rien remarquer. L’air conditionné aspire les odeurs pour en installer d’autres. Tout est toujours très propre. Très blanc. Sans trace.
Un parfum subtil de lavande flotte au nez. Je ne sais pas ce que c’est. Certains des escaliers disent que c’est les fleurs d’un arbre du japon. Un pays qui selon d’autres a été rasé des cartes à la suite de mouvements tectoniques radicaux. Je n’en ai jamais entendu parler. Je ne sais pas quel est ce groupuscule. (…)