Petit Traité de la vie sexuelle contemporaine
Dans son essai paru aux éditions québécoises du CRAM, Chantale Proulx revisite les mythes qui fondent notre culture et illustre la « revanche d’Aphrodite et hypersexualisation », sous titre de son ouvrage Petit Traité de la vie sexuelle contemporaine.
« On nous dit encore que la violence est incontournable et que la sexualité est une guerre et un combat. Je pense que la domination entre les sexes n’est pas naturelle, et encore moins nécessaire. »
Une fois le postulat de départ énoncé, l’auteure, qui enseigne depuis 20 ans au departement de psychologie de l’université de Sherbrooke, remonte le temps, démystifie les croyances qui concernent les sociétés dites matriarcales, développe son analyse et la renforce de citations, de références, d’analyse d’expériences.
« Dans le domaine de la sexualité humaine, à peu près tous les sexologues ont été confrontés à cette évidence, issue de l’examen et de l’analyse de l’inconscient masculin : les hommes ont peur de la femme. (…) L’idée que la femme est un danger est au fondement même du patriarcat. Plus on a peur de sa puissance, plus on est dur envers elle. »
Mais, si la femme est réputée inférieure, pourquoi donc la redouter ? Une brèche s’ouvre puis s’élargit tout au long de la démonstration d’une auteure tout en humour, questionnement, raisonnement. Inquiétude également, notamment quand elle aborde la question de l’hypersexualisation contemptaine, en guise de vengeance des hommes sur la libération sexuelle des femmes.
Au fil des pages, Chantale Proulx évoque la culpabilité liée, dans notre culture, à la sexualité. La honte de leur plaisir de la part des femmes. Le complexe envers la puissance sexuelle des femmes que développent certains hommes, l’impossibilité faite à leur sexe de porter et de donner la vie qui pousse certains à mépriser ladite vie.
« Cinq à six mille ans de pouvoir et de suprématie masculine fondés sur la force, le conflit et la domination des autres (- 3000 à aujourd’hui), c’est très peu de temps dans l’histoire de l’humanité. Les sociétés archaïques qui honoraient la Déesse et la vie ont perduré, quant à elles, pendant des dizaines de millénaires. »
Alors, si les femmes ont été placées en inférieures dans le systeme patriarcal, si elles inquiètent bien des hommes aujourd’hui de par leur liberté, leur capacité de réussite scolaire, professionnelle ; si les femmes avancent visiblement plus vite que d’autres et remettent en question la domination, la relation amoureuse, les représentations ; si tout cela est possible pour elles, c’est bien que l’accès au progrès de soi est également accessible à tous les autres.
Cependant, des hommes freinent, certains fragilisés dans leur identité, perclus d’un sentiment d’infériorité, reprochant aux femmes ce qu’ils sont infichus de reconnaître chez eux. D’autres continuent la traite des femmes, l’asservissement, voire durcissent le ton ; ils font de l’argent avec le corps des autres, qu’il soit à vendre dans l’odieux système de la prostitution d’enfants ou d’adultes, qu’il soit à remodeler par la chirurgie plastique imposant par là la tyrannie de la représentation de soi, panneau dans lequel femmes et hommes tombent sans se poser la question de savoir ce qu’ils jouent dans cette quête d’une jeunesse éternelle.
« Cet impétueux besoin de paraître jeune à tout prix, d’avoir son quart d’heure de gloire, serait-il à classer sous les désordres d’une névrose obsessionnelle collective ? (…) Vu autrement, avec l’aide de la psychologie, admettons tout de suite qu’on est victime d’un archétype qui est en train de polluer nos vies et de vider notre compte en banque. D’autre part, il faut bien l’évoquer au passage, on est de plus en plus aliénés par les médias de masse. »
Chantale Proulx démonte le matraquage pornographique qui bouscule les jeunes et les inscrit dans de fausses représentations de ce qu’est la sexualité, l’intimité, l’amour. Qui impose aux adultes de soi-disant valeurs d’ouverture et de dépassement de soi, alors qu’il n’est question que de marchandisation et d’objetisation de l’autre.
« La sexualisation des jeunes filles, y compris la sexualisation précoce, va de pair avec la pornographisation des codes sociaux, notamment des codes corporels, et la normalisation de la prostitution.(…) C’est l’envahissement de la sexualité qu’on impose par une vision particulière de l’être humain et de sa vie sexuelle. »
Ce petit traité se lit comme une enquête tantôt jubilatoire tantôt effrayante. Un ouvrage à glisser entre les mains des femmes comme des hommes, mais aussi des adolescents en mal de compréhension des codes violents et sexistes édictés en ce début de vingt et unième siècle.
« La pornographie est un discours sexiste qui fait l’éloge d’une fausse virilité. Elle déshumanise et soumet les femmes et les enfants au plaisir des hommes. (…) La pornographie est « l’impuissance » même apprise à nos jeunes hommes. Selon la sexologue populaire Jocelyne Robert, la pornographie est à la sexualité ce que la malbouffe est au besoin de se restaurer. »