Paula Cassagne, appt 315 : 9/10
Épisode 9/10
Paula, très fière de cette avancée sur sa connaissance personnelle, racontait depuis à qui voulait l’entendre, comment elle avait fait la nique à la médecine et à quelques-unes de ses cousines sciences associées en ne mangeant plus de viande rouge. Un auto-bilan, une auto-médication, un auto-régime alimentaire qui lui allaient très bien.
Un soir, elle repensa à un slogan qu’elle avait entendu, des années durant et alors qu’elle était encore enfant, qui vantait l’indéfectible amitié des produits laitiers. À vache industrielle, lait industriel et tutti quanti, se dit Paula, à la découverte d’une nouvelle énigme. Avant de s’endormir, elle se promit d’arrêter de manger du fromage pendant quelques semaines. Juste pour voir.
En rentrant d’une soirée arrosée qu’elle avait passée au restaurant et dans des bars successifs avec trois de ses amies, Paula prit une douche avant de rejoindre son lit. Habituellement, c’était le matin qu’elle passait sous l’eau, avant d’aller travailler et souvent pour mieux se réveiller. Là, il lui fallait une douche de dégrisement.
Elle détestait se doucher au saut du lit et ne le faisait que très rarement, contrainte et agressée, quand le réveil avait mal sonné, au point qu’elle se rendormait et sursautait, quelques longues minutes plus tard, complètement en retard. Ces matins-là, elle ne prenait qu’une douche avant de se jeter dans son placard à vêtements, pas le temps pour un petit déjeuner avant ladite séance de toilettage. Elle dévalait les escaliers depuis son troisième étage, pas le temps d’attendre l’ascenseur. Et elle galopait jusqu’au métro, pas moyen d’aller plus vite autrement. En temps normal, Paula se douchait le ventre plein, les dents brossés, les cheveux démêlés.
Ce soir-là, après avoir passé dans la salle de bains le temps suffisant pour vider le château d’eau le plus proche, elle se glissa dans son lit, non sans avoir enfilé le tee-shirt dans lequel elle se réchauffait et alluma la télévision, pour occuper ses yeux. (…)