Paula Cassagne, appt 315 : 7/10
Épisode 7/10
Alors qu’elle demeurait convaincue de préférer à ce traitement synthétiquement épuisant, celui naturellement usant de ses cauchemars, elle cessa d’absorber les pastilles très tendance, vert amande et fuchsia, pour céder à nouveau au troupeau de la nuit.
Un soir qu’elle dînait avec Éléonore, l’amie du deuxième étage qui lui avait permis de s’installer dans l’immeuble en se portant caution pour elle auprès de l’agence immobilière insatiable de garanties, elle raconta sa récurrence nocturne et l’angoisse qu’elle générait.
Sans savoir ni pourquoi ni comment, Paula eut alors la révélation qu’elle suivait un régime carné inconséquent : elle mangeait trop de viande, rouge de surcroît et le soir avant d’aller se coucher ! Une viande dont elle ne savait pas même comment elle arrivait jusque dans son assiette, encore moins d’où elle provenait. Elle ne connaissait ni les conditions de vie, ni celles d’élevage et de mort des animaux dont elle se nourrissait.
Sûre de son fait, frappée d’évidence avec elle-même, elle fut persuadée qu’elle tenait là le début de la conversion et de l’amélioration.
Éléonore, toujours très à l’écoute et positive dans ses propos, ne remit pas en question le constat de son amie et convint avec elle d’une incidence possible de l’absorption de viande rouge au dîner sur la qualité du sommeil qui s’ensuivait.
Paula était affublée d’une magnifique confiance en elle et en ce qu’elle ressentait. Une sorte d’instinct de ce qui lui allait ou, au contraire, de ce qu’il lui fallait éviter. Ces antennes lui évitaient de s’acoquiner avec des personnes peu recommandables, de même qu’au magasin, elles lui permettaient de repérer à distance les chercheurs de petites bêtes et les embrouilleurs en tout genre. Selon les jours, elle se préparait à les accueillir avec ce qu’elle avait déjà compris d’eux ou, si la force lui manquait, elle passait la balle à son voisin ou sa voisine, les prévenant de ce qu’elle avait repéré. Elle voyait juste. (…)