Paula Cassagne, appt 315 : 5/10
Épisode 5/10
Plusieurs week-ends de suite Paula rendit visite à ses parents afin de réaliser cet état des lieux traumatique. Aucun d’entre eux hélas ne trouva la moindre piste à suivre à la trace, remontant un fil de mémoire oubliée noué quelque part et à défaire, au ciseau s’il le fallait. Tout avait toujours été plutôt bien, de la conception à la naissance, de l’enfance à l’âge adulte, même si Paula n’avait jamais véritablement bien dormi la nuit. Sa mère se souvint bien de quelques événements plus marquants comme des chutes à vélo, des disputes avec les voisines, des caprices divers, mais rien qui justifie un tant soit peu ces animaux agressifs de la nuit.
Paula qui se sentait serrée des cervicales vit ensuite pendant quelques mois un masseur. De ses longues mains chaudes et sensuelles, il détendait les fibres de son corps, les unes après les autres, de la tête aux pieds. Kinésithérapeute ostéopathe, il allait même jusqu’à la prendre dans ses bras — ce qui la mettait dans un curieux état de ravissement — pour ensuite la secouer afin d’obtenir de son squelette quelque craquement d’articulation — ce qui la désenchantait complètement.
Cet homme avait deux grands yeux d’un marron presque noir qui la fascinaient. Malgré sa voix chaude et humide qui lui rappelait celle de certains anglais dont le timbre la touchait en profondeur — la voix au brouillard de la Tamise, comme elle plaisantait — le diagnostic du masseur ne l’enchantait que très peu : il convenait selon lui que Paula suive quelque traitement au long cours, venant chaque mois se faire étendre, détendre, câliner puis bousculer.
Elle se demanda si cet homme n’était pas à la limite du sadisme dans ses pratiques professionnelles et, finalement, intéressé par son portefeuille lui aussi. D’ailleurs, il avait des yeux aussi tétanisant que de ceux des serpents. Paula vit là son stratagème pour arriver à ses fins, en termes de rendez-vous de patients hypnotisés à son cabinet. (…)