Paula Cassagne, appartement 315
Paula Cassagne, appartement 315 est une nouvelle issue d’un recueil de textes de la nuit qui rassemble une dizaine de personnages, habitants d’un même immeuble, dont les nuits sont souvent éveillées, troublées, agitées.
Paula Cassagne, appartement 315 se déroule en 10 épisodes.
1/10
Chaque soir, avant de rejoindre sa chambre, Paula Cassagne pratiquait quelques exercices. Elle avait essayé plusieurs successions de mouvements lents, des étirements qui la délaçaient, jusqu’à trouver l’enchaînement de ceux qui lui allaient le mieux. Depuis qu’elle avait commencé à s’entraîner de la sorte, elle s’endormait bien et il lui semblait que les cauchemars s’espaçaient.
Bien plus souvent qu’auparavant, Paula se réveillait reposée le matin. Certes, certaines nuits étaient encore inquiètes et problématiques, la laissant à jeun de tout repos et de toute récupération. Cependant son corps se détendait et elle se sentait glisser vers un accès au bien-être qui, d’une façon générale, avait rarement été son allié.
Paula était victime d’atroces cauchemars. Des images d’une barbarie qui n’était pas la sienne et qui lui posait quelque souci métaphysique. Au point qu’elle avait fini par se demander si elle n’avait pas gardé dans ses chairs des craintes archaïques de ses ancêtres, les femmes et les hommes préhistoriques. À l’évidence, ces frayeurs nocturnes survenaient toujours à la même tranche horaire, sorte de marques indélébiles de lointaines terreurs poinçonnées dans un inconscient transmis au fil des générations, indispensable charge jamais nommée.
De celui qu’elle faisait le plus souvent, Paula pouvait dire qu’il était le plus effrayant. Ce rêve, s’il commençait toujours de la même manière, déviait très rapidement vers des variantes plus ahuries les unes que les autres. Elle se promenait dans une sorte de savane. Des herbes folles jaune paille, assez peu d’arbres, un paysage africain à n’en pas douter. Elle voyait des grottes au lointain, accrochées à flanc de roche. Elle se dirigeait vers elles, son objectif étant de les rejoindre. Elle marchait paisiblement jusqu’à ce qu’elle sente le sol vibrer sous ses pieds, agité par quelques centaines de paires de sabots. Elle entendait le son assourdissant des bêtes en mouvement, les naseaux mouillés d’humidité moussante, les poils dégoulinants de bave, des plaques de boue séchée sur leurs flancs et leur croupe. (…)