Pas pleurer
Derrière ce titre énigmatique, Lydie Salvayre écrit un roman hybride. Une sorte de biographie familiale dans laquelle l’auteure s’attache à raconter la jeunesse de sa mère et celle de son frère, l’oncle donc, tout en faisant le récit historique de la guerre d’Espagne depuis le village catalan dans lequel à vécu sa famille.
1936, l’époque est tendue et des luttes intestines s’installent. Le peuple est acculé par la classe dominante depuis des temps immémoriaux, il est temps de se révolter et les idées communistes fleurissent. L’anarchie aussi qui drape les bâtiments municipaux de rouge et de noir, portée par l’espoir d’une jeunesse pleine de vie et hurlant son désir de rompre avec le carcan des traditions catholiques espagnoles, entre autres. Mais l’Espagne traditionaliste ne laissera pas faire et la chasse aux rouges est ouverte. Répression, arrestations sommaires, assassinats massifs, le pays est divisé tandis que l’Église prône le retour à l’ordre, peu importent les moyens pourvu qu’elle conserve son pouvoir de coercition.
Dans ce fracas, Lydie Salvayre met en scène Montse, sa mère alors âgée de 15 ans, et Josep, son frère aîné. Leur famille de modeste conditon ne remet pas les choses en question comme eux et cette jeunesse fougueuse vient à déranger. L’esprit révolutionnaire du frère viendra bousculer la sœur qui se joindra à la cause et y prendra sa part de rêve.
Ailleurs, l’écrivain Bernanos chronique l’Espagne, alerte quant aux exactions, n’est pas entendu.
Dans les mouvements incessants d’un pays en pleine révolution, Montse s’éprend d’un français, un amour d’un jour qui donnera vie à une enfant à venir. Mais en Espagne comme ailleurs à cette époque, cela ne se fait pas. Monste devra se marier.
Lydie Salvayre recueille les confidences de sa mère âgée et les écrit avec les bizarreries d’une langue française teintée de barbarismes à l’espagnole. Si la restitution de ces phrases est assez curieuse à saisir d’emblée, la « langue » devient vite familière et jubilatoire. Personnage truculent, Montse vit une jeunesse mouvementée. Après avoir vécu quelque temps chez ses beaux-parents, elle quittera l’Espagne sa à fille à la main pour rejoindre la France et y retrouver son mari, futur père de l’auteure.
Dans les mots de Lydie Salvayre, dans ce qu’elle restitue de l’aveuglement d’un monde — l’Europe — face à la violence des exactions en Espagne, on se dit que quasiment quatre-vingts ans plus tôt, déjà, la réalité échappait à bien des politiques. On se dit que le monde évolue fort peu, hélas.
Lydie Salvayre à reçu le prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer, publié au Seuil, ce qui fait d’elle la dixième lauréate depuis 1903.
La guerre d’Espagne chez Wikipedia.