Nuit d’hiver 4/4
Épisode 4
Sous sa main, quelque chose a bougé. Il écoute la sensation résonner dans son corps. Il porte ses yeux vers l’animal. La chouette se meut, bascule sur ses ergots, sa main est restée en suspens. Ils s’observent. Yeux ronds grands ouverts face aux yeux en amande écarquillés. Il parle. Se dit heureux de cette renaissance. Une renaissance qui signe la sienne. C’est décidé, comme à la fin de son rêve, il change de vie. Maintenant.
La chouette piétine. Elle se dandine, le regarde avec son air curieux, tête qui marque des arcs de cercle vers le bas, vers le haut. Yeux dans les yeux, conversation silencieuse un instant.
Elle le fixe, il l’observe. Il dit qu’il l’attendait. Il l’a vue dans ses songes. Il dit que demain il ne sera plus le même. Que la métamorphose a déjà commencé d’ailleurs. Il dit qu’il la remercie d’être venue toquer à sa fenêtre. De l’avoir extrait de sa routine écrasante. Qu’il sait dorénavant combien cette vie ne lui correspond plus. Plus pour lui les incessantes allées et venues, Europe du Sud, Europe du Nord. Contribuer à nourrir le monde, il le fera autrement dorénavant.
Pendant qu’il aligne les mots sans retenue, la chouette regarde l’homme, tourne sa tête et observe alentour. Il dit merci une fois encore et reste silencieux. Alors elle s’écarte de lui en se dandinant lentement. Elle se retourne, lui lance un clin d’œil, déploie ses ailes et s’élance dans la nuit. Lenteur du mouvement d’envol, son lourd du battement d’ailes dans le calme de la nuit peu passante. Elle ulule et s’éloigne.
Lui, il l’encourage, lui souhaite bon voyage et rit. Il rit comme cela ne lui est pas arrivé depuis des années. Il rit de bon cœur, il rit à gorge déployée, il rit à en pleurer. Tenant ses abdominaux qui tirent sous sa peau, il se lève, marche dans l’herbe fraîche, dépasse le camion et poursuit son chemin sur le bas côté.
Il rit encore. Sa nouvelle vie vient de débuter.