Mr Turner
Le film s’ouvre sur un paysage à couper le souffle. Lumière du soleil levant, un moulin à vent dans la perspective, deux femmes qui approchent et échangent des propos en néerlandais. Spectateur ébahi par ce ciel flamboyant, Turner griffonne des croquis pour immortaliser la scène dont il créera s représentation dès son retour dans son atelier anglais.
Le peintre, séparé d’une dragonne avec laquelle il a deux filles, vit avec son père, un ancien savetier, et leur bonne mangée d’eczéma. Le père qui a toujours cru en son fils est dorénavant son assistant. Il prépare les toiles, se procure les pigments, négocie les ventes. La bonne, elle, sert les deux hommes, prête son corps au peintre sans autre forme de consentement, et semble un peu simplette.
Turner, magnifiquement interprété par Timothy Spall, est un rustaud de première. L’homme ne s’exprime pas, il grogne. Mais il n’est pas sans cœur pour autant, juste âpre dans l’empathie. Il connaît les vicissitudes de son art et apporte son soutien à un collègue qui cumule les infortunes et manque cruellement d’argent. Il est fasciné par les découvertes et inventions de son époque : machine à vapeur, photographie, physique… Il a des pulsions, les vit.
Mike Leigh filme les paysages inspirants de Turner avec génie. Au cours du récit des vingt-cinq dernières années du peintre, on se prendrait presque à regretter de passer trop peu de temps en extérieur avec un homme agité, noircissant ses carnets, arpentant sans relâche la campagne, toujours à la recherche d’un lieu saisissant à reproduire sur la toile. Un manque de paysages, de nature, pour une surabondance de rencontres conventionnelles avec les faiseurs du marché de l’art.
Sans doute un peu trop long, Mr Turner est aussi troublé par la bande son omniprésente, toute en violons dégoulinants qui privent de se laisser embarquer pleinement dans l’univers qui est conté.