Monique R. 3/5
Les mains posées sur les miennes comme un langage du toucher ne faisaient qu’accentuer la colère dans ma chair. Portant à ébullition le désespoir contenu. Le poussant à sortir et à s’étaler devant tous. Qu’enfin tous sachent et s’apitoient. Tous ceux qui ne savaient pas. Tous ceux qui ne comprenaient pas. En connaissance du réel. En sachant vraiment ce que je m’étais laissé infliger.
Mais toujours je tenais. Toujours j’empêchais ma colère de pourrir tout autour de moi. Je la laissais juste salir. Salir comme la vapeur sort d’un couvercle. Et se répand en un halo de fumée. Comme la casserole sur le feu contient ce qui s’agite en elle doucement. Puis de plus en plus fort à mesure que la chaleur augmente. Tapant sur les parois d’inox. Montant vers la surface. Tandis que le couvercle qui la ferme s’agite de soubresauts. Claque contre l’acier.
J’étais allergique à la chaleur humaine. De m’en être trop approchée. Celle qui échauffe l’intérieur. Celle qui agite le contenu. Je devais vite refermer le filet libéré. Le rentrer tout au fond de mon abîme intérieur. Au bout du bout de ma torpeur. Avant de passer nettoyer ce sur quoi j’avais répandu ma rage. En évitant de me brûler encore.
J’étais inégalable en service après salissures. J’étais sans cesse capable de trouver une justification à ma montée en terreur. Je redoublais d’efforts pour permettre l’oubli de mes traces effrontées. J’avais développé le génie de la netteté après la tornade. Ramassant le moindre reste oublié. Triant tout autour de moi ce que j’avais bousculé. Recollant les morceaux et les sensibilités. Engluant les doutes et les questionnements inappropriés.
C’est moi qui retardais toujours les moments de rencontre avec ceux qui savaient. C’est moi qui suppliais les miens d’y aller sans moi. M’abandonnant quelque temps à moi-même. Face à mon remords. Seule avec ma torture. C’est moi qui me faisais rare. (…)
One thought on “Monique R. 3/5”
Superbe. J’attends la suite.