Monique #4
Épisode 4/5
(…) Elle se penche pour secouer le tissu avant de le poser à nouveau sur le sable et de s’allonger sur le ventre, la peau brillante de centaines de gouttes d’eau prêtes à disparaître en quelques minutes. À genoux sur le paréo, elle glisse ses yeux derrière ses lunettes de soleil et aperçoit son voisin grisonnant qui lui fait un petit signe de la main. Elle sourit. Retire ses lunettes et s’étend, les fesses vers le ciel. Elle ferme les yeux et somnole avec délectation, l’esprit vagabondant comme jamais.
Monique entend le sable crisser à proximité.
— J’étais certain de vous trouver ici ce matin, entend-elle susurrer à ses oreilles.
Elle s’apprête à se relever sur ses coudes.
— Non, ne bougez pas ! Vous avez l’air si confortable que c’est un régal de vous regarder profiter.
La voix est chaude. Très grave mais d’une sonorité qu’elle imagine sans tabac ni alcool. Ça existe après tout des hommes à la voix sublime qui ne sont ni fumeurs ni alcooliques, se dit-elle. Parce que les amochés, elle n’a pas de temps pour eux. Plus de temps. La voix qu’elle entend est une belle voix naturelle. Elle l’accorde à l’image de son voisin observé qu’elle imagine, les yeux fermés, penché au-dessus d’elle, les genoux dans le sable. Le sexe encore au repos.
— Voudriez-vous déjeuner avec moi aujourd’hui ? continue l’homme.
Monique hésite. Elle se souvient qu’une femme ne doit pas accepter d’emblée au risque de passer pour facile. Elle s’agace de ces conventions mais continue de faire avec. L’homme semble lire dans ses pensées et, prévenant, accompagne ses hésitations.
— Vous n’êtes pas obligée de me répondre tout de suite. Faites-moi signe quand vous aurez décidé. J’attendrai votre réponse. Vous me trouverez sur la serviette Ferrari jaune. À tout à l’heure !
Le même crissement de sable à ses oreilles. Le pas s’éloigne à sa gauche. Cri d’une mouette au-dessus de la plage. Suivi de plusieurs. Monique se demande si un bateau croise à proximité qui les attire subitement. La moitié de son visage délicatement chauffé par le soleil mâtiné d’une bise délicate, elle se laisse porter par ses rêves et les images qui se forment dans son esprit.
Elle s’imagine manger un plat de moules avec son inviteur. Et puis non, les moules ne sont pas suffisamment élégantes à consommer. Elle cherche ce qui lui fait envie et se mange sans les doigts. Dorade… classique ; gambas, pas local ; crevettes, même chose, car ça n’est pas la peine de séjourner près de la Bretagne pour avaler de la nourriture élevée en Inde ou par là ; et des galettes ? pourquoi pas des galettes, elle en est friande, la Bretagne en est spécialiste.
Monique continue son inventaire culinaire et se demande quel restaurant l’homme à la voix savoureuse aura pu choisir pour l’emmener déjeuner. Sans ouvrir un œil pour ne rien perdre de sa rêverie éveillée, elle se retourne et se pose sur le dos. Elle passe lentement sa main sur son ventre, ses seins, ses épaules, afin de chasser les grains de sable collés. Même geste le long de ses adducteurs. Elle sent son sexe humide. Tension immédiate dans son ventre.
Elle sourit. S’imagine faire du pied sous la table mais voit aussitôt ses sandales Birkenstock, pas du plus bel effet. (…)