Monique #1
Monique est l’une des nouvelles du recueil Femmes à la plage, en cours de rédaction. Elle se déroule dans ces pages en 5 épisodes.
Nue sur la plage, à plat ventre sur le grand paréo que lui a offert son ami Norbert rentré de Tahiti à Noël, Monique frotte lentement ses orteils dans le sable chaud. La sensation douce et sensuelle la ravit.
Ses pieds lambinent, vont et viennent, et elle suit la progression des sensations à travers son corps. Grain de sable à l’orteil, chaleur, rondeur, fermeté, le fil sensitif glisse à travers les voies de ses capteurs. Elle sent et ressent, se détend.
Installée dans un studio meublé de la Turballe, Monique a choisi cette station balnéaire pour la réputation de sa plage naturiste. Une des raisons qui lui font aimer la côte Atlantique, c’est qu’être nue sur la plage y rime davantage avec plaisir naturel qu’exhibition de soi et perversion associées — comme c’est le cas au Grau-du-Roi, une station qu’elle abhorre pour son m’as-tu-vu entretenu et policé qu’elle a retrouvé souvent en Méditerranée.
Arrivée samedi, elle profite de son lundi en laissant filer le temps au rythme de la crème solaire dont elle enduit sa peau chaque demi-heure. Elle se baigne dans une eau fraîche, colorée d’algues en flottaison qui lui procurent quelque curieuse sensation, entre plaisir et dégoût, lorsqu’elles frôlent sa peau.
Monique a découvert le naturisme dans son jardin. Après son divorce, elle a acheté une maison de trois pièces en périphérie de Toulouse. Elle l’a choisie entre autres parce que trois pièces lui semblaient suffisantes pour le quotidien. Parce que la maison lui plaisait, de façon parfaitement irrationnelle, et qu’elle entrait dans le budget établi. Mais aussi parce qu’il n’y avait aucun vis-à-vis dans le jardin, ce qui la conquit avec l’arrière pensée que lorsque le temps le permettrait, elle se mettrait volontiers nue au soleil.
À la Turballe, Monique a réservé pour deux semaines de vacances en juillet. Sur la côte, elle préfère la clientèle de juillet à celle d’août. Les juillettistes lui semblent plus raffinés que les suivants. Moins bruyants. Plus seuls aussi. Plus aptes à parler littérature — bien que cette culture lui semble s’amoindrir au profit du tout télé ou du tout gadget électronique qui, chez certains, constitue un sommet « culturel ».
Monique sent le soleil chauffer la peau de son dos. Il est presque onze heures et ça cogne déjà fort. Elle se retourne et reste un moment sur le côté, un coude fiché dans le sable, le regard vers l’horizon. (…)