Moi les hommes, je les déteste
Le court essai de Pauline Harmange est d’abord paru aux éditions Monstrograph fondées par Coline Pierré et Martin Page. Dès lors, l’ouvrage a subi l’appel à la censure par quelque dominant qui, sans conteste, avait jugé du titre sans ouvrir le livre. Ben oui : Moi les hommes, je les déteste, ça peut — déjà — en agacer plus d’un. Une femme qui pose une lecture critique de la domination masculine dans les pages d’un livre, manquerait plus qu’on la laisse exprimer le fond de sa pensée et que la mascarade tombe le masque. Ceux qui tiennent le système veulent que rien ne change et ceux-là sont si souvent des hommes…
Jetant l’opprobre sur un ouvrage, appelant à la censure le livre qui traite de la haine des hommes — et ça c’est mal, c’est condamnable en justice —, le premier qui a aboyé a fait flamber la publicité pour ledit livre dont le premier tirage de 450 exemplaires a très vitre été suivi d’un second à 2 500 exemplaires avant épuisement du stock. Les éditions du Seuil ont racheté les droits afin que ce bref essai poursuive sa vie éditoriale notamment à travers des traductions. Si des maisons d’éditions étrangères s’intéressent au sujet, c’est sans doute parce qu’elles y trouvent du contenu, de l’intérêt, pas un simple appel à la haine. Non ?
Car de quoi s’agit-il ? D’un constat, d’une mise en mots simples de la vacuité de bien des hommes, de leur veulerie aussi, de la domination masculine qui entache la société et prive les femmes d’exercer pleinement leur pouvoir comme de se déployer.
« Tous les hommes ne sont peut-être pas des violeurs, mais quasiment tous les violeurs sont des hommes — et quasiment toutes les femmes ont subi ou subiront de la violence de la part des hommes. Il est là, le problème. Elle est là, l’origine de notre détestation, de notre malaise, de notre méfiance. »
Appel à la haine ?
En 90 pages, l’autrice pose son constat des violences du masculin érigé en puissant, de l’incapacité faite aux hommes d’être respectueux des autres, à commencer par les femmes. À la misogynie qui affuble tous les profiteurs d’un système andro centré, blanc, violent, qui ne le remettent jamais en question, elle oppose la misandrie qui impose de sélectionner avec vigueur les hommes à faire entrer dans son cénacle. Car les autres, personne n’en a besoin. Ni des violents, ni des violeurs, ni des coupeurs de parole incapables d’écoute ou d’expression de leur sensibilité, ou, une fois encore, des incapables de respect.
Pauline Harmange dit aussi son plaisir des cercles féminin ou la sororité est à l’œuvre, ou la solidarité opère dans l’écoute et la bienveillance — et l’on objectera que, là aussi, ces cercles sont électifs : les femmes étant éduquées dans la rivalité, la culpabilité…, les bienveillantes sont à choisir.
Un appel à la haine ? Avant de parler des livres, il peut être judicieux de les lire… pour s’en faire une idée étayée.
« Tant qu’il y aura des hommes misogynes, des hommes qui s’en lavent les mains et une société qui les accepte et les encourage, il y aura des femmes qui, lassées, refuseront de faire les frais de relations épuisantes et parfois même dangereuses. »
Il s’agit de cela dans ce livre. Pas plus.
Un texte sur le registre du pamphlet où la colère semble à l’œuvre pour mettre en mots ce qui est devenu insupportable. Au pays des droits de l’Homme et du citoyen — Olympe, reviens ! — il n’est plus tolérable que cela perdure.
Moi les hommes, je les déteste est un ouvrage auquel on pourra reprocher sa brièveté, comme si l’autrice avait ouvert une porte qu’elle commençait à peine à pousser. Le sujet est vaste, si vaste qu’il mérite, à mon sens, d’être traité et décortiqué au-delà du pamphlet dont je souligne pour autant la nécessité.