Lost River
Mise en images d’un cauchemar, Lost River est probablement l’angoisse de son réalisateur scénariste Ryan Gosling, par ailleurs acteur, qui signe son premier film.
Les habitants de Lost River ne vivent pas, ils survivent dans le chaos et le dénuement. Maisons éventrées, usines défaites, salles de théâtres ruinées, murs perforés, peinture cloquée, tags et graffitis : un no man’s land où les maisons abandonnées les unes après les autres sont fréquemment incendiées, la nuit. On pense bien sûr à la ville de Détroit et sa décadence du bâti notamment photographiée dans l’ouvrage Ruines de Détroit, d’Yves Marchand et Romain Meffre.
À Lost River, Billy élève deux fils dont l’aîné gagne quelques dollars en dépouillant les ruines de tubes de cuivre qu’il revend à quelque ferrailleur — comme Arbor dans le Géant égoïste, fiction anglaise sur les ruinés du thatchérisme. Ce faisant, il empiète sur le territoire de Bully, un fou voient qui n’hésite pas à découper aux ciseaux les lèvres de ceux qui le trahissent ou qu’il juge ennemis — et l’on se croit un instant dans Batman, après la boucherie d’un sbire au sourire agrandi. Crétin mégalomane, le type circule perché sur son trône rivé au coffre d’une décapotable blanche.
Le plus jeune fils à cinq ou six ans et l’on se demande ce qu’il raconte dans l’histoire, sinon qu’il ajoute un enjeu scénaristique un peu facile, obligeant une mère en galère à trouver des solutions. Quelques années plus tôt, Billy s’est fait refourguer un emprunt toxique. Elle a acheté une maison, devenue maison familiale, mais, puisque le taux d’intérêt a considérablement augmenté, elle ne peut plus honorer les traites. Son nouveau banquier, d’emblée mal aimable et sans doute vénéneux peut lui procurer un job. Et l’on sent bien que ledit job va manquer de charisme.
Succession de scènes inutilement violentes, jouissance répétée du réalisateur à filmer le feu, le décrépit de baraques aux intérieurs sinistres, des personnages iniques et des scènes sanguinolentes.
Du début à la fin de Lost River, la caricature est à l’œuvre. Le film se déroule entre images de vidéoclip, scènes sans queue ni tête, personnages aimables confrontés à l’ordure, aux sans foi ni loi et, malgré quelques images esthétiques, c’est éprouvant à défaut d’être édifiant.
La rédemption arrive enfin où le méchant est puni, la famille sauve, la jeune et jolie voisine embarquée avec elle dans le taxi qui conduira le quatuor loin de l’enfer. Ouf !