L’intestin au secours du cerveau
Avec une branche de brocoli en couverture rappelant la forme du cerveau, l’ouvrage du Dr David Perlmutter démontre l’importance du microbiote — la fameuse flore intestinale —, dans le processus de vie, et particulièrement en soutien au cerveau. L’auteur est neurologue, il synthétise de nombreux résultats d’études et d’analyses au service de sa démonstration : L’Intestin au secours du cerveau.
Les choses sont relativement simples : si le microbiote est suffisamment riche des différents types de bactéries qu’il est supposé contenir, tout va au mieux dans l’organisme. Les échanges se font de façon sobre, le corps et l’esprit coopèrent et sont de bons compagnons.
« Il apparaît maintenant indéniable que [les] organismes intestinaux participent à une grande variété de réactions physiologiques, notamment au fonctionnement du système immunitaire, à la détoxication, à l’inflammation, à la production de neurotransmetteurs et de vitamines, à l’absorption des nutriments, à la sensation de faim ou de satiété et à l’utilisation des sucres et des graisses. (…) Le microbiote agit sur notre humeur, notre libido, notre métabolisme, notre immunité, et même sur notre perception du monde et la clarté de nos pensées. »
C’est à la naissance que l’enfant « reçoit » son microbiote. Son passage par le vagin de sa mère le met en contact avec la flore qui s’y trouve et l’ensemence. De fait, les enfants nés par césarienne disposent d’un tout autre type de micro-organismes après la naissance, ce qui peut, dans certains cas, se révéler problématique. — J’imagine déjà quelque enfants ingrats qui, un jour, pourraient être tentés de mettre leur mère en procès pour leur avoir transmis une flore plus ou moins pathogène…
Dans l’intestin de l’être humain les choses se gâtent dès lors que certaines bactéries essentielles manquent ou se trouvent en surnombre. Traitements antibiotiques à répétition, pilule contraceptive, mauvaise qualité de l’alimentation, eau du robinet très chlorée qui ruine le microbiote, stress… les facteurs d’endommagement de la flore sont multiples qui créent de l’inflammation, acidifient l’intestin et rendent sa paroi poreuse. Lieu privilégié des bactéries intestinales, le système digestif laisse alors passer dans le reste du corps des bactéries qui n’ont pas à s’y trouver. Réactions de défense immunitaire — l’organisme se sent agressé par les intruses — et productions en chaîne qui peuvent aller de la maladie cœliaque à la maladie auto-immune sévère, mais aussi se manifester par des pathologies mentales, parmi lesquelles la dépression, les troubles de l’attention, l’hyperactivité, l’autisme, la maladie d’Alzheimer dont les personnes atteintes sont de plus en plus nombreuses.
« Au lieu d’accorder une grande importance (et des fonds considérables) à l’élaboration de traitements contre la maladie d’Alzheimer (ou contre toute autre maladie dégénérative), nous devons former les gens à privilégier la prévention. (…) Les réalités économiques et les marchés financiers constituent malheureusement de sérieux obstacles à surmonter. Il existe peu de possibilités, voire aucune, de commercialiser les interventions non protégées par des droits de propriété intellectuelle que représentent l’alimentation et l’activité physique, bien connues, parmi d’autres stratégies liées au mode de vie, pour leur action sur la dégénérescence du cerveau et, à l’inverse, sur sa protection. »
En termes de santé publique, nous voilà devant deux problèmes majeurs : développer la prévention par l’alimentation, c’est-à-dire apprendre à se nourrir correctement, n’intéresse pas plus l’industrie que la finance. Quand la maladie rapporte énormément d’argent et en mobilise pour la recherche, stimulant ainsi des secteurs économiques, une bonne hygiène de vie fera à priori moins de malades, donc moins de business, donc moins d’argent. Autre problème d’importance : l’auteur note, avec d’autres, notamment les chercheurs américains qui publient une étude sur le sujet en décembre 2013, que la courbe d’utilisation toujours plus intense de glyphosate dans la culture intensive de blé, va de pair avec l’augmentation constante des maladies cœliaques. Coïncidence ? Certainement pas. Le blé hybridé en laboratoire peut produire plus de 23 000 protéines qui ne manquent pas de déclencher une réponse inflammatoire lorsqu’elles circulent dans le système digestif. Le blé issu de l’agriculture intensive est à lui seul — et ses pesticides — responsable de l’accroissement de l’intolérance au gluten, mais aussi de bon nombre de maladies dégénératives.
En France, alors que l’État en appelle à la diminution de l’utilisation d’intrants dans l’agriculture intensive, le contraire est confirmé chaque année : de plus en plus de produits toxiques sont déversés dans la terre et dans l’air, ce qui, tout en étant massivement subventionné par l’État, mine nos organismes et rend l’ensemble de la population française fragile. Qui s’étonnera ensuite que les Francais-es battent les records de consommations d’anxiolytiques ? À cause délétère, conséquence similaire.
Sur le sujet du soin au microbiote pathogène, le Dr Perlmutter évoque le réensemencement par les pré et probiotiques, mais aussi la transplantation de matières fécales saines comme solution en cours de développement. — De là à monnayer ses saines déjections…
La santé physique et mentale passe par l’assiette. Manger des produits de qualité, de saison et de territoire est le préalable à un bon équilibre. Beaucoup de légumes et de fruits, moins de viande mais de la bonne, de celle d’animaux qui connaissent l’herbe, ajouter de l’huile végétale vierge à ses plats, privilégier les repas composés de peu voire pas de produits transformés… Pratiquer un sport, la méditation, le yoga… — faire l’amour — aide à oxygéner l’organisme qui a besoin d’être aéré pour assumer sereinement ses fonctions. Et, plus que tout, cela entretient le cerveau, chef d’orchestre de l’organisme et de ses fonctions, comme de ses humeurs, de la vie des cellules qui, sous l’effet des toxiques, dégénèrent et se conduisent de façon pathogène.
« Les subtilités du microbiome intestinal sont quasi inimaginables. Il évolue et répond en permanence aux modifications de notre environnement – l’air que nous respirons, les personnes que nous touchons, les médicaments que nous prenons, la saleté et les microbes que nous rencontrons, les produits que nous consommons et même les pensées que nous avons. L’alimentation apporte des informations à notre organisme ; de la même façon, nos bactéries intestinales interagissent avec notre ADN, notre fonctionnement et, à terme, notre longévité. »
L’Intestin au secours du cerveau est publié aux éditions Marabout. L’ouvrage est passionnant, accessible en termes techniques, et particulièrement édifiant.
Cet article a initialement été publié le 18 mars 2016 dans les pages du site.