Les Arts oseurs / Livret de famille
Trio d’artistes de rue, les Arts oseurs se sont emparés du livre Livret de famille, de Magyd Cherfi, pour le mettre en scène dehors.
Un spectacle qui invite le public à profiter puis à déambuler jusqu’au lieu suivant où une mise en scène viendra mettre en exergue les mots. Assis dans l’herbe, sur le goudron d’un parking, sous les arbres. Sous le ciel nuageux de Bagnères-de-Bigorre ce jour-là.
Périne Faivre, comédienne pour les mots forts, cruels parfois, sans concession, le livre abîmé de tant de jeu en main, tendu vers le public — livre ainsi désacralisé. Dans la fraîcheur d’une soirée pyrénéenne, elle a seulement ajouté une écharpe rouge à son jean, tee-shirt manches courtes rouge. Ne cède rien de son jeu fort, émouvant, malgré la façon dont la mise en scène la rudoie parfois. Elle porte un texte au masculin, lui donne un relief appuyé, une voix pertinente. Parle, hurle, s’énerve, sanglots dans la voix.
Renaud Grémillon, accordéoniste pour l’accompagnement ou la ponctuation du langage, le rythme encore. Il propose des pauses chantées face au parterre, dos au parterre. Mobilise la voix du public en lui faisant reprendre Douce France, le temps de le conduire à travers la ville vers une nouvelle scène : après le refrain chanté en chœur, l’incongruité des constats portés par les mots viendra bousculer les esprits. Musique et chant magnifiques lors du tableau final.
Xavier Moreno, plasticien pour le trait, l’image, le mouvement créateur d’univers imaginaires. Il livre son art en direct avec des portraits du public, en introduction, pendant que le trio s’apprivoise au groupe. Il trace des lignes au sol, embarque dans sa « maison ». Puis des peintures géantes dont une œuvre par transparence, recto verso : une figure tracée en fond de bâche translucide, une autre apposée sur l’autre face puis sommairement effacée, traits noirs dégoulinants. Sa palette constituée de pots colorés, ses pinceaux immenses.
Le livre de Magyd Cherfi est transcendé par la proposition artistique qui porte à voix haute, dans la rue, la révélation de ce que c’est que d’être l’autre, l’étranger.