L’épreuve
Rebecca, photographe de guerre, est mariée à Marcus, biologiste marin. Quand elle n’est pas sur le terrain, ils vivent en Irlande et partagent deux filles.
Avec un métier qui lui fait prendre des risques parfois inconsidérés, Rebecca est victime, à Kaboul, d’un attentat qu’elle a pourtant essayé de déjouer. Jusqu’au bout, jusqu’à son évanouissement, elle photographiera, tentera de retenir par l’image le fracas, la panique, les corps ensanglantés. Elle immortalisera ces cadavres anonymes approchés afin de partager l’horreur du monde, la violence qu’ils endurent, là-bas, loin de la folie des marchés et de la frénésie consumériste.
Marcus rejoint sa femme à son chevet d’hôpital. Il est tendu et l’on comprend, alors qu’ils rentrent chez eux après rapatriement sanitaire, que le couple ne va pas si bien. Enfants angoissées, mari esseulé dans l’attente de la pire nouvelle — celle de la mort de sa femme photographiant un front ou un autre. La famille retrouvée tente de composer un quotidien que l’on sait fragile. Peut-être impossible.
Rebecca peine à se remettre du choc qu’elle a connu. Elle est tourmentée, tente de renoncer à la photographie de guerre, essaie de tout plaquer tandis que tout la rattrape et la tourne à nouveau vers cette activité.
L’enjeu est de taille et devient l’épreuve à laquelle cette femme est confrontée : abandonner la photographie des conflits du monde pour préserver sa famille, son couple, ou continuer son métier et vivre dorénavant seule les retours de bataille.
Erik Poppe compose par touches pointillistes l’ambiguïté de cette femme libre. Il brosse un portrait d’artiste en colère, tenue par une énergie puissante : celle de la dénonciation de l’injustice porteuse de l’espoir qu’à force d’images, le public, les États prendront conscience de réalités insoutenables et œuvreront à rétablir la justice dans des territoires où les peuples souffrent, où ils sont massacrés.
Juliette Binoche est magnifique en insoumise fracassée et Nicolaj Coster-Waldau très juste dans sa posture d’homme aimant, inquiet, blessé, portant seul la responsabilité de l’équilibre des deux fillettes.
Le film est lent, tantôt âpre dans les images de la violence guerrière, tantôt délicat avec des paysages d’Irlande apaisants. Et pas si simple qu’il y paraît.