Léna, feuilleton
Épisode 3/5
De fait, les parents ne connaissaient de leur fille que ses bulletins scolaires et les avis des différentes écoles privées qui l’avaient, en quelque sorte, éduquée à leur place et versée dans un format à peu près convenu. Dans leur univers, les enfants n’étaient pas au monde pour être aimés de leurs parents mais bien pour prolonger, entretenir, voire accroître, la fortune familiale. Si pour certains, l’amour parental venait accompagner leur carrière, c’était un plus sans conteste.
Léna pouvait compter sur les doigts d’une main ceux qu’elle avait croisés depuis ses premières années de pensionnat dont elle pouvait affirmer que des liens de cœur avec leurs parents les avaient servis, rendus différents. Plus humains peut-être… Elle avait fini par considérer la relation à ses parents froide et stérile, à mille lieux de ce qu’elle avait rêvé de vivre avec eux.
L’équipe des sept parachutistes est arrivée deux jours avant la date de saut, accompagnée d’une équipe de vidéastes qui suit ses déplacements dans l’air à travers le monde. Les base-jumpers pensent qu’il est nécessaire de transmettre la beauté frénétique de leur sport au monde entier usant, pour ce faire, des réseaux sociaux et autres sites spécialisés.
Léna ne connaissait pas encore Singapour et, depuis son arrivée, elle a arpenté les rues, pris des centaines de photos et acheté sa tenue de saut. D’une boutique à l’autre, elle a mis un soin tout particulier à rassembler un pantalon court à la taille élastiquée carmin, un tee-shirt jaune vert et rouge à manches courtes, des chaussettes rouille, un bandana bleu et blanc. Pour ce saut-là, elle a décidé d’être parée de vif. C’est important pour elle. Comme si les couleurs pouvaient l’aider à rassembler l’énergie nécessaire à la performance. (…)