L’Élément
Dans son essai co-écrit avec Lou Aronica, Ken Robinson expose le fait suivant : nombreux sont ceux qui se limitent dans leur vie — voire passent à côté de leur destin — tant qu’ils n’ont pas trouvé leur « élément ». Trouver son élément, c’est devenir un poisson dans l’eau et s’ouvrir à tout ce que sa vie peut donner de meilleur.
« Le premier frein réside dans la connaissance limitée que nous avons de nos aptitudes. Nous sommes tous nés avec d’extraordinaires capacités en termes d’imagination, d’intelligence, de sensibilité, d’intuition, de spiritualité, et de conscience physique et sensorielle. »
Que serait un enfant sans éducateurs ?
Parmi les limitations extérieures qui emprisonnent et freinent le développement de soi, Ken Robinson pointe le mode d’enseignement, la compétition qu’il sous-tend, le formatage des capacités et compétences auquel il restreint. Au lieu de favoriser le plein épanouissement du potentiel dont chaque élève est porteur, l’enseignement racornit, réduit, aseptise et transforme en complexe tout ce qui était singularité. L’auteur parle « d’éducation fast-food ».
« Ainsi, on en est venu à appréhender l’intelligence en termes d’analyse logique, estimant que la pensée rationaliste est supérieure à la sensibilité et à l’émotion, et que les idées primordiales se transmettent sous forme de mots ou d’expressions mathématiques. »
Pour illustrer son propos tout au long des 310 pages de son ouvrage, Ken Robinson donne de multiples exemples de personnalités du monde des arts, peu douées en classe, qui ont pour autant accompli de brillantes carrières. On y trouve Paul Mc Cartney et les Beatles, Richard Branson, Robert Crumb, Agatha Christie, Rachel Carson, Harriett Doer, la famille Fleetwood de Fleetwood Mac, Albert Einstein, Meg Ryan, pour ne citer qu’eux.
Revoir les politiques d’éducation
À l’heure des grilles d’évaluation PISA, du formatage des apprentissages convertis en savoirs monnayables, il serait sans doute temps de revoir les modules d’enseignement et la façon d’instruire les élèves. De donner accès à d’autres façons d’apprendre. D’accompagner les élèves « différents » à trouver la voie qui leur convient le mieux, sans passer nécessairement par celle de l’apprentissage qui débarrasse les établissements de cas dont on ne sait que faire au détriment du plein développement des potentialités.
« La manière dont certains hommes politiques ont interprété l’idée de « revenir aux fondamentaux » pour améliorer le niveau scolaire pose un problème essentiel. […] Ils semblent croire que, si nous faisons ingurgiter à nos enfants un menu national composé de lecture, d’écriture et d’arithmétique, nous serons plus compétitifs face aux autres pays et mieux armés pour l’avenir. Cette façon de penser est catastrophique car elle sous-estime gravement les capacités humaines. »
Tous les enfants ne peuvent apprendre de la même manière. En revanche, tous ont un potentiel qu’il suffirait d’aller cueillir pour lui donner toutes les chances de se déployer. Au lieu de cela, trop souvent, l’enseignement — voire l’éducation parentale — pointe la différence comme maladive et encombrante. Le fait de ne pouvoir apprendre comme le plus grand nombre devenant une incapacité.
Évoluer avec le monde
Le monde bouge. La crise qui sévit depuis quelques années, tant d’un point de vue économique que climatique illustre la nécessité de changer de modèle, de façon de travailler, de mode de pensée. L’époque en appelle au changement et il serait fort dommage de manquer le train du progrès. De toute évidence, il passe par les apprentissages scolaires.
« Or, au 21e siècle, l’emploi et la compétitivité reposent entièrement sur les qualités même que le système scolaire est contraint de réprimer […]. Partout les entreprises disent qu’elles ont besoin de collaborateurs créatifs et autonomes. […] Nous devons repenser la nature fondamentale des aptitudes humaines ainsi que les objectifs fondamentaux de l’enseignement actuel. »
Par soi-même
Après avoir taclé enseignants et politiques qui réduisent les apprenants à des mange matières pro-industrie, Ken Robinson explique le cheminement qui peut mener à son élément. Ici, rien d’automatique. Aucun processus linéaire savamment tracé. Pas de mode d’emploi évitant les écueils.
« Trouver et développer nos forces créatives est une part essentielle du processus qui consiste à devenir la personne que nous sommes réellement. […] Ceux qui réussissent ont généralement des attitudes communes telles que la persévérance, l’assurance, l’optimisme, l’ambition et l’insatisfaction. »
Il s’agit de ne pas se contenter de ce qui est donné, instruit, transmis pour aller chercher par soi-même à trouver qui l’on est profondément. Cela peut prendre du temps, mais c’est en osant se tromper, en assumant ses erreurs, ses choix qui pouvaient être perçus comme ineptes par le cercle familial ou les proches, que chacun témoigne avoir trouvé ce qui le mouvait véritablement.
« Nous ne nous contentons pas de voir le monde tel qu’il est ; nous l’interprétons par le biais des idées et croyances spécifiques qui ont façonné nos propres cultures et nos conceptions personnelles. […] Pour trouver votre Élément, vous devez vous autoriser l’accès à toutes les manières dont vous ressentez le monde, et découvrir où se cachent vos véritables atouts. »
L’Élément, quand trouver sa voie peut tout changer ! est paru aux éditions Play Bac.
Cet article a été initialement publié le 17 avril 2014 dans les pages du site.