Le vide en horreur
Huit heures trente. La ville bruisse et s’agite. Le ciel est enfin dégagé après une interminable succession de journées grises, sombres et pluvieuses. De vent aussi mâtiné de rafales, souvent. Humidité dans les os, corps lassés, moral en berne.
Sous le ciel bleu sur les grands axes, les voitures se suivent et distillent l’odeur pestilentielle de leurs gaz d’échappement. Pincement de narine, souffle amoindri pour ceux qui se frayent un passage entre trottoirs et circulation piétonnière à travers les rues.
Partout des publicités pour la saint Valentin : plateaux de fruits de mer pour deux – offre valable jusqu’au 15 février. Dîner amoureux à prix gonflé justifié par quelque toast de foie gras ou autre spécialité prometteuse. Affiches de femmes maigres et sans côtes en sous-vêtements d’exception, offrant leur lascivité bouche entrouverte à tous les regards. L’amour ? Une question consumériste dorénavant.
Au bord d’un véhicule en stationnement, une femme s’énerve, ordonne à son enfant encore installé sur la banquette arrière : dépêche-toi ! Je devrais déjà être au travail, dépêche-toi ! Elle insiste cependant qu’aucune voix ne lui répond. Obéissance docile, progéniture soumise.
Devant les grilles d´une école maternelle, réunion de parentes. Les femmes sont regroupées sur une parcelle de trottoir. L’une d’elles agite sa main en signe de salut. Une autre tire sur sa cigarette. Jupe et bottes pour certaines. Pantalon et derby. Jogging blanc large, marque apparente au long de la cuisse. Cheveux tressés en nattes serrées. Visages fatigués, d’autres souriant. L’une lance : je serais trop malheureuse si je n’avais qu’un seul enfant. Horreur du vide. Sourires de connivence.
Avant de quitter les lieux, les mères attendent le passage des enfants qui, en rang par deux, entreront dans leur classe.
Enfilade de ruelles puis de rues à la faible circulation automobile. Ici comme ailleurs, les conducteurs suivent les axes principaux afin de les remplir à saturation. Le vide en horreur.