Le Sel de la Terre
Wim Wenders, réalisateur de fictions et de documentaires, filme et rend hommage au photographe parfois controversé Sebastiao Salgado. À la réalisation comme dans l’écriture du scénario, il s’est associé à Julian Salgado, le fils du photographe.
Le documentaire est passionnant, le talent du photographe, son parcours de vie, sa quête d’images à travers le monde, incroyables.
Construit autour des séries de Salgado comme autant d’épisodes à remonter le temps, Wenders raconte un parcours humaniste qui alterne missions photographiques et tranches de vie personnelle, familiale. Amérique latine, Afrique, pointes extrêmes de la planète, Europe, Salgado enchaîne les projets, risque sa vie, et compile des images marquantes, émouvantes, saisissantes. Témoins de celles et ceux qui peuplent la Terre, y vivent et y souffrent, aiment ou massacrent, les photos noir et blanc racontent la tragédie d’un siècle où se succèdent les famines du Sahel et de l’Éthiopie, les massacres de Bosnie et du Rwanda.
À force de conflit et d’horreurs immortalisées, durement éprouvé par la violence des humains, Salgado perd la ferveur qui l’anime. Il pense que l’homme est indigne, et se retire au Brésil où il s’installe sur les terres de ses parents, dans la feme de son enfance qui a vu sa forêt disparaître, le sol s’assécher et s’éroder, les vaches mourir de ne plus rien brouter, les cascades se taire.
Lélia, l’épouse du photographe, son soutien et sa coéquipière depuis ses débuts, a su élever leurs deux fils et vivre avec les absences successives. Elle a une idée géniale : restaurer, replanter la forêt de l’enfance, pour guérir Salgado de la folie leurtriere dont il s’est fait le douloureux témoin en cette fin de siècle.
À force d’opiniâtreté, d’essais infructueux finalement transformés, la ferme devient l’Institut de la Terre — Terra Instituto — où l’on replante des millions d’arbres. L’ancienne terre pelée redevenue forêt accueille dorénavant des animaux sauvages et plusieurs centaines de sources sont réapparues.
Et puisque remettre de la vie en terre fertilise aussi la créativité, Salgado se lance dans une nouvelle série en témoignage de son amour pour la planète. Il parcourt à nouveau le monde, « apprend » la photo animale et réalise des images épatantes de paysages, de peuples, d’animaux sauvages.
Hommage au vivant, à l’art photographique, à la beauté de la Terre, à un photographe extraordinaire, Le Sel de la Terre est un documentaire très fort qui réussi cet étrange pari de filmer des images fixes sans lasser.
Et si, finalement, il s’agissait de soigner la Terre pour guérir les hommes de leur folie meurtrière ?
Wenders chez Wikipedia.