Le dernier gardien d’Ellis Island
Lors d’un séjour à New York, Gaëlle Josse visite l’ancien centre de transit de migrants d’Ellis Island. Le lieu devenu musée embarque son imaginaire. Qui étaient les personnes qui débarquaient ici, après des traversées houleuses, au péril de leur vie ? Que racontent ces corps, ces visages yeux hébétés droit dans l’objectif du photographe ?
Dans Le Dernier gardien d’Ellis Island, Gaëlle Josse écrit le journal de John Mitchell, dernier directeur du lieu, qui remonte un curieux fil de mémoire. Il lui reste six jours. Six jours à vivre dans le centre avant de refermer la porte d’une vie qui l’aura tenu à l’écart du monde, à la marge de la grande ville sur une côte qui en a tant fait rêver.
Entre le 3 et le 9 novembre 1954, les souvenirs affluent. L’homme ne s’est jamais confié aussi l’écriture l’emporte et il livre ce qu’il avait tenu au secret des années durant. La vie au centre, dans cette mise à l’écart stratégique pour le pays américain. La femme qu’il a aimée, infirmière auprès de populations migrantes, morte très jeune d’une épidémie arrivée par la mer. La femme qu’il a contrainte, plus tard, fou de désir incapable de raison. La rumeur et le qu’en dira-t-on, les jalousies. Et ceux dont il s’est méfié, ceux qu’il a côtoyés, ces migrantes et migrants dont il a su très peu, si peu. Autant d’anonymes fichés et enregistrés devant donner les preuves de la pertinence de leur arrivée sur le nouveau continent afin qu’on leur y octroie une place. Qu’ils soient acceptés, surtout pas refoulés.
L’écriture est simple, belle d’économie. Les mots sont pesés, ajustés. Les confidences de John Mitchell approchent un homme pétri de contradictions, un homme souffrant d’une parole trop rare. Ses mots lèvent le voile sur un lieu singulier, porteur des espoirs les plus fous, témoin de la misère d’une époque où l’on n’hésitait pas à traverser les océans vers une destinée que l’on s’imaginait forcément meilleure. Un peu comme aujourd’hui finalement.
Le Dernier gardien d’Elis Island dispose d’un Tumblr.