La Folie de ma mère

La Folie de ma mère

La Folie de ma mère est un roman d’Isabelle Flaten qui a tout d’un récit.

L’autrice y raconte l’enfance, la rencontre avec celle qu’il faut appeler maman. Le père peu présent, son décès. La sœur en creux dans cet univers où les femmes existent, solidaires, quand les hommes brillent par leur absence ou leur capacité à être de passage.

La folie qui gagne la mère apparaît au fil du récit. La fille aînée semble différente, à l’aise en français — la matière qu’enseigne la mère — et nulle partout ailleurs sauf en sport. Une fille que le format du collège ou du lycée laisse à la marge des enseignements tandis que sa mère semble s’user à l’éduquer en région parisienne. Alors elle la place tout à tour chez la tante marraine de Strasbourg dont le mari flic vote Front national. Puis chez la grand-mère où l’enfant  — la narratrice — se sent enfin libre d’être elle-même, encouragée par celle qui, de temps à autres, aimerait prodiguer des gestes tendres.

La fille rentre avec peine à la maison quand la mère, toujours plus fantasque, revient s’installer en Alsace : militante à l’écoute des âmes perdues, des femmes à protéger, la maison devenant une sorte d’arche de Noé, un lieu de discussions sans fin autour de cafés et de cigarettes partagées.

Pour autant, la narratrice semble de trop dans ce monde où la mère veut être libre d’aimer comme bon lui semble et confie ses espoirs comme ses déceptions amoureuses à sa fille aînée. La mère qui ne voit pas sa fille. La vit sans tendresse ni bienveillance — ce dont la narratrice se méfie lorsque cela survient dans le foyer de copines car les effusions la dégoûtent.

Dans cet univers bancal, la fille devient adolescente puis adulte. La folie paranoïaque de la mère contraindra à son internement à plusieurs reprises.

« En attendant les secours, tes vociférations culminent à une magnitude inédite : on n’aurait jamais dû te faire ça, on le paiera. Le jeune médecin arrive, tu le rassures aussitôt, il n’y a pas de quoi s’affoler. […] Sous la pression, tu es capable de passer de l’effroi au sourire en un clin d’œil. La manœuvre a plus d’une fois entaché de suspicion mes propos à ton sujet. »

La narratrice a deux enfants. Sa mère séjourne parfois chez elle où elle prend soin des petites, s’amuse avec elles. La confusion survient quand la confidence est faite que la narratrice est une enfant naturelle. Sa mère n’a pas réussi à rassembler l’argent d’un avortement alors elle est née. L’histoire s’effondre. Celui qu’elle a pris pour son père ne l’a jamais été, l’album de famille trahissant la date du mariage pour faire passer la grossesse survenue trop tôt.

« Grandie en territoire hostile, forgée à la résistance, je ne m’avoue pas vaincue. Je ne meurs, ni de faim ni de soif, mais je suis dévorée de l’intérieur. Ni les malheurs des autres, ni mes rappels à l’ordre des choses, n’ont de prise sur ma fureur de savoir. »

À tenter de rassembler les pièces éparses de son chemin de vie, à commencer par celui de la rencontre ayant donné lieu à sa conception, la narratrice se heurte à la folie grandissante de la mère. À la famille qui sait depuis toujours mais n’a jamais rien dit. À celles et ceux qui, interrogé.es, ne peuvent pour autant donner le nom du géniteur. Le père n’a pas de nom qui aurait pourtant comblé la béance faite à l’enfant par cette révélation. L’enfant dont la propre histoire est rongée par le mensonge, la dissimulation et la folie maternelle qui l’entrave.

Avec une écriture sans fioriture, Isabelle Flaten raconte la vie insécurisante avec une mère lunatique, la violence de la maternité imposée, l’impossible quête des origines qui laisse le champ à tous les géniteurs possibles, des meilleurs aux pires.

Le roman est paru aux éditions le Nouvel Attila.

 

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