La Familia grande

La Familia grande

La Familia grande est un récit dont on a beaucoup parlé. Évidemment. Quand la fille d’un ancien ministre révèle les agissements criminels de son beau-père, lui-même homme d’influence, homme de pouvoir, sur son frère alors adolescent, la presse s’empare du sujet tout comme les réseaux sociaux.

Le livre est construit en trois chapitres : avant pendant après, ou encore d’où je viens, ce qui survient, comment je ne parviens pas à vivre avec. Récit factuel de ce qui a surgi dans une famille décomposée puis recomposée, traversée par la douleur de la perte, notamment celle des parents de la mère de Camille Kouchner, il raconte une enfant devenant une femme.

La mère est un peu fantasque, le père toujours absent de par ses missions à l’étranger où il veille sur les enfants des autres, quand les siens se sentent bien esseulés. Un père colérique qui, finalement, ne supporte pas sa vie de famille quand d’autres ont si peu, et que l’opulence le rattrape dans ses séjours français. Un père inscrit en héros par la nation, cela devient difficile de lui en vouloir… La mère écrit des articles, divorce, vit une nouvelle relation avec Olivier Duhamel.

La famille recomposée devient la grande famille estivale. Dans la maison de Sanary se trame en filigrane l’idée de vie communautaire, quand les ami.es s’y rejoignent. Là, le beau-père règne en maître sur la propriété comme sur celles et ceux qui y sont convié.es.

La mère perd pied à la suite du décès de sa mère. Elle boit, se renferme. Le beau-père en profite pour abuser de son beau-fils. Camille, partiellement témoin, comprend ce qui se passe et reste interdite.Elle portera ce fardeau pendant des années, jamais débarrassée de la culpabilité qui en découle.

Dans l’entourage, il paraît que nombreux sont celles et ceux qui savent. Pour autant, personne ne dit rien ou si peu. Le beau-père est un homme de réseaux et d’influence, on n’entache pas une réputation comme cela.

Le mérite de cet ouvrage est de mettre des mots sur l’inceste. À la suite de Vanessa Springora avec Le Consentement, il pousse à nouveau la porte permettant à d’autres qui ont subi la violence d’une sexualité imposée par des adultes de dire à leur tour. De savoir qu’ils ou elles ne sont pas seul.es face à l’ignominie d’agissements qui troublent la vie jusqu’à, parfois, pousser au suicide. L’ouvrage pointe ce qui peut survenir parmi des gens « si bien ». Des personnes éduquées pour lesquelles, pourtant, la limite légale semble se franchir sans difficulté dès lors qu’il s’agit d’assouvir ses pulsions.

Pour autant, le livre laisse la lectrice à la marge de l’histoire qui est racontée. Les scènes  s’y succèdent et restent cérébrales. Désincarnées. À aucun moment nous ne sommes convié.es à vivre avec l’autrice ses interrogations. À voir les tablées des soirées sans fin dans la grande maison où se retrouve la grande famille. Nous restons au bord de ses inquiétudes ou sa culpabilité. Dommage ! À l’instar de l’écriture, la narration aurait mérité d’être retravaillée pour donner plus de force à ce récit timidement dénonciateur qui donne l’impression de tenter de dire tout en ménageant les personnes concernées.

La Familia grande est paru aux éditions du Seuil.

Olivier Duhamel a récemment reconnu les faits exposés dans le livre, après avoir dénoncé des attaques personnelles à la parution du livre. Dont acte.

 

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