La communauté
Anna et Erik sont mariés et parents d’une adolescente, Freja. Anna présente les informations à la télévision suédoise, Érik enseigne l’architecture.
Lorsqu’Erik hérite de l’immense maison de son père, qu’il n’a pas vu depuis des années sans pour autant paraître troublé par la disparition du parent, Anna lui propose de garder ce bien et d’y vivre en communauté. Erik hésite, puis il finit par se ranger à l’avis de sa femme.
Années 70 à Copenhague. Le couple appelle quelques amis qui sont reçus en entretien avant qu’un comité de résidant-es les déclare aptes ou non à rejoindre la communauté. Un couple avec un garçon de huit ans atteint d’une très sérieuse maladie cardiaque, un célibataire un peu cynique, vieil ami d’Ana, une femme libre auprès de qui les amants se succèdent, un type un peu paumé qui parle mal la langue et n’a pas un sou… un joyeux bazar envahit la maison. Tout se discute et se vote, tandis que les repas sont pris en commun avec une cuisine assumée à tour de rôle et du ménage partagé.
La vie pourrait se poursuivre ainsi dans la joie de l’expérimentation, les pantalons à pattes d’éléphant et les sous-pull à col roulé acrylique, mais ce serait oublier le côté plus qu’autoritaire et autocentré d’Erik. Dans un élan de générosité, celui-ci a cédé la maison à ses habitants, chacun recevant une part du lieu d’avant notaire. Pourtant, le temps passant, il est pétri de reproches et hurle à ses congénères qu’il est chez lui et s’estime en droit de faire ce qu’il veut sous son toit, c’est-à-dire d’y vivre comme il le souhaite. Et qu’importent les votes ou les vues communautaires.
La crise survient après qu’il est tombé amoureux d’une de ses étudiantes. Anna a découvert le pot aux roses et, non sans respect, accepté l’idée que son mari ait besoin de deux femmes dans sa vie. Anna donné son accord pour que la jeune femme rejoigne la communauté en attendant de trouver un logement.
Mais il peut y avoir un fossé entre ce que l’on se souhaiterait capable de vivre et ce que l’on est réellement capable d’endurer. C’est ce que vit très vite Anna. Après un quiproquo avec son mari qui lui donne l’espoir d’un partage de l’homme entre les deux femmes de son cœur, elle prend en pleine figure l’exclusivité que celui-ci instaure avec sa nouvelle élue.
Descente aux enfers d’une femme qui aime et souffre d’aimer. Anna se voit vieillie, sa peau ridée tandis que la jeune femme a le teint frais. Elle n’a pas envie de rire quand la tablée s’amuse pourtant et donne toute sa place à la dernière venue. Anna perd le sommeil à l’écoute des amants copulant. Elle boit et dépérit. Finit par perdre son travail et imploser dans une communauté qui ne peut pas grand-chose pour elle.
Le sursaut viendra par sa fille qui lui intime l’ordre de quitter ce lieu qui la tue à petit feu sans qu’elle semble en avoir conscience.
La Communauté revient sur l’esprit du « tout en commun » qui a animé les années soixante-dix. Un « tout en commun » qui se retrouve aujourd’hui dans les pratiques collaboratives — et le pillage de données personnelles mené par quelque multinationale du web. Chacun connaît par-ci par-là une communauté qui a traversé les décennies et perdure, mais de tels lieux sont devenus rares. Ce que donne à comprendre le film — outre la vision idéale d’une vie en partage —, c’est qu’il est très difficile de vivre des relations interpersonnelles sans blesser personne. Difficile voire impossible de suivre ses désirs, sans priver quelqu’un. Ce qui se dit aussi, c’est que l’amitié ne peut pas tout quand certaines épreuves de la vie se traversent seul-e, les ami-es ne pouvant assumer pour l’autre les écueils et les moments rudes.
Ce que raconte La Communauté, c’est aussi cette injonction à jouir sans entraves qui mine les couples, et les projets de vies dites « libres », parce qu’on ne partage pas si facilement l’être aimé.
Le film danois est réalisé par Thomas Vinterberg.