Henning Mankell
Une amie m’offre l’ouvrage Mankell (par) Mankell, biographie de l’écrivain scénariste essayiste dramaturge suédois, par Kirsten Jacobsen. Je ne connais pas l’œuvre de Mankell, pourtant renommé au plan international avec, notamment, la série des enquêtes de l’inspecteur Wallander. Mankell a vendu pas moins de 40 millions d’exemplaires de ses ouvrages de par le monde. Certains de ses romans ont été adaptés à la télé ou au cinéma.
Ce résultat d’une carrière me laisse songeuse, un peu comme avec l’annonce d’un loto dont je rêverais, modestement, de bénéficier d’une part pour nourrir la vie qui est la mienne… La biographie n’est pas mon genre littéraire de prédilection, pourtant je me laisse tenter et découvre un homme au parcours passionnant.
« Quand on est enfant, on fait confiance de façon illimitée à l’imaginaire, à la puissance de l’illusion, et pas seulement parce que c’est chouette de s’imaginer tout et n’importe quoi en jouant avec un bout de bois ou un brin de ficelle. La faculté d’illusion est un instrument pour comprendre la vie. »
Henning Mankell est élevé par son père après que sa famille a été abandonnée par une mère qu’il aura quelque peine à trouver intéressante. Il plonge très tôt dans le monde du théâtre et publie, assez jeune, ses premiers textes. Homme de convictions, il s’engage politiquement dans ses livres, mais aussi en actions concrètes et va jusqu’à risquer sa vie pour défendre la cause palestinienne. Il fera de l’écrit sa vie professionnelle — sa vie, tout simplement !
Puisque bon nombre de Mozambicain-es ne savent pas lire, il dirige bénévolement le théâtre de Maputo et met en scène de nombreuses pièces car l’oralité, elle, est accessible à tous-tes. Il est un fervent soutien de la troupe de comédiens professionnels du pays et partage sa vie entre la Suède et le Mozambique.
Mankell passe son temps à travailler, dit-il. Il écrit, met en scène, parcourt le monde, transmet, s’engage pour les causes qu’il trouve justes. Il crée une maison d’édition et de production. Et, tout au long d’une carrière prolixe, il invente et donne vie à plus de deux mille personnages.
« Il vaudrait mieux le dire ainsi : je n’ai, en fait, jamais éprouvé le besoin d’écrire les Wallander sinon comme point de départ pour rendre les gens sensibles à la montée du racisme en Suède. (…) L’un des aspects clés pour moi, lorsque j’écris une histoire, c’est de savoir de quel type d’histoire il s’agit. Est-ce une pièce de théâtre ? Est-ce un scénario de film ? Un roman ? Un polar ? Voilà l’une des décisions les plus importantes que je dois prendre. L’histoire vient en premier puis vient la question : comment vais-je l’écrire ? »
Doté d’un sens aigu de l’injustice, d’une grande sensibilité au monde, Mankell défend une création engagée, acte politique, force de l’illusion pour amener à comprendre, donner en partage, convaincre. Son point de vue concernant les hommes est suffisamment rare chez d’autres hommes pour être relevé : « Beaucoup d’hommes prennent peur quand ils se sentent en perte de contrôle — une partie des violences conjugales tourne autour de ça, je pense — et ils réagissent par l’agressivité. C’est incroyable le nombre d’hommes qui ont peur des femmes fortes. (…) Quand les femmes parlent du sentiment maternel, les hommes parlent d’honneur. Quand les femmes parlent de responsabilités, les hommes parlent de courage. C’est si profondément inscrit qu’on peut se demander si ce n’est pas génétique. Je trouve pour ma part qu’il est très intéressant d’étudier la paléontologie (…) où l’on voit que la difficulté qu’éprouvent les hommes à gérer leurs sentiments remonte à très loin dans le temps et dans les cultures. »
Alors puisque la biographie de cet homme est une rencontre aussi passionnante que le propos qui l’anime, je me penche sur son œuvre.
Henning Mankell est mort en octobre 2015 à l’âge de 67 ans.
« Je crois que l’art est également une forme d’artisanat. Du bon art, c’est aussi du bon artisanat. On ne disparaît pas mystérieusement dans les mondes imaginaires de la littérature, dont il serait difficile de ressortir par la suite. Je suis quelqu’un de sceptique et, vraiment, je n’y crois pas. (…) Écrire, c’est un artisanat rationnel, ce ne sont pas des plongées magiques ou miraculeuses dans des mondes littéraires secrets. Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne. »