Dix-neuf minutes officielles 2/6
Au carrefour Constructeurs-Bouygues, la circulation est fluide. Deux mini-chars se tiennent de part et d’autre des allées tandis que huit policiers sont en faction de chaque côté des voies de circulation. Le panneau lumineux des informations municipales indique qu’il reste trente-cinq minutes avant minuit pour miser au Grand Loto Hebdo accessible dans chacun des bureaux postaux ouverts à cet effet. Leur liste disponible sur simple appel gratuit aux services municipaux.
Je m’interroge : mon mobile est en principe relié aux satellites, comme toute horloge publique, pour autant, nous n’indiquons pas la même heure…
Je prends à gauche vers les allées de la Guerre-Mondiale. J’ai envie de sentir l’air de la ville, de croiser la vie dans les rues et l’agitation dont chaque samedi soir est porteur. À ma gauche, un groupe de personnes profite d’une performance. Sur l’estrade au bord du trottoir, une jeune femme danse à demi-nue au son d’un violoncelle et de percussions. Un frisson me parcourt, je grelotte pour elle. La musique est enregistrée, sans doute les instruments ne supporteraient-ils pas d’être en plein air.
Je relève mes épaules comme pour résister au froid et continue d’avancer vers le centre culturel. Je vois un homme assis sur le perron d’une boucherie. Deux chiens à ses pieds emmêlés dans leurs cordes qui ne bronchent pas. L’homme est assoupi. La tête posée dans la paume de sa main gantée. Rien ne bouge chez lui. Soudain l’agitation me saisit. La panique s’ensuit. Quelque chose cogne dans mon ventre. Je me demande si l’homme est encore vivant et m’arrête un instant pour vérifier que le souffle, au moins, l’anime. Rien. Je m’approche. Les chiens montrent les crocs. J’appelle. Mes Monsieur successifs ne déclenchent aucun mouvement mais ils agacent les chiens. Les bêtes aboient maintenant. J’extirpe mon téléphone pour composer le numéro des urgences : 0. (…)