Deux hommes
Minuit et demie. Dans la capitale européenne, le dernier métro à jeté hors des quais la foule rentrée d’un concert achevé quelque vingt minutes plus tôt. Leur correspondance impossible, touristes et autochtones se trouvent dans la rue piégés, loin du centre-ville ou d’un lieu de vie où reposer l’émotion musicale.
À proximité, palissades de chantier derrière lesquelles se dressent des immeubles en construction aux futures habitations luxueuses, pour qui ne connaît pas la crise ici. Rues pavées aux angles desquelles manquent les noms pourtant si fréquents dans les quartiers touristiques.
Deux clochers dans le décor signent que l’avancée est pertinente. Longues rues désertes en enfilade. Gare centrale et son parc à l’herbe fraîche. Jeunes en bande dont l’ivresse trouble le calme du quartier. Couple installé pour une nuit à la belle étoile. Plus loin, une jeune femme lit. Assise sur un banc public près de la lumière d’un réverbère, elle a replié ses jambes sous elle et prend l’air fraîchi que la ville consent après une journée brûlante. Bondée de visiteurs en journée, Prague a passé une figure étonnante à cette heure de la nuit.
Un passage souterrain autorise le franchissement d’une avenue impossible à traverser par voie piétonne. Escaliers de descente. Tunnel éclairé sous la route.
Au pied des marches permettant la remontée vers la rue, un homme est replié. Son corps n’est que tension. Pieds décollés du sol, basculé sur la fesse gauche, il tient un équilibre impossible. Dans le prolongement de son cou étiré, ses yeux hagards ignorent le groupe qui passe près de lui. Il a quitté ce monde.
Sur la dernière marche des escaliers, un autre plus jeune se tient hébété. Assis, ses deux pieds posés sur la marche inférieure, son épaule droite flanquée dans le mur. Il tient dans sa main droite à hauteur de son visage une seringue fine qu’il ne quitte pas des yeux.