Depuis le tram
Huit heures du matin. Moins deux degrés dehors. C’est dimanche. Ciel clair, soleil montant.
Sur le quai de la station de tram, il se dandine d’un pied sur l’autre en une danse à chasser le froid. Legging, chaussures de sport, sweat à zip et capuche. L’ensemble est noir, hormis deux bandes fluorescentes jaunes qui entourent ses mollets.
D’un souffle sec, il active la braise du joint qu’il tient dans le creux de sa main. Il tire sur le filtre. Bout rougeoyant. Inspire profondément tout en continuant de se dandiner, exhale une fumée épaisse dont l’odeur trahit le mélange.
D’un pied sur l’autre, d’un pied sur l’autre. Tire, inspire, exhale, jusqu’à l’arrivée de la rame. Rentre-t-il d’une nuit festive ou démarre-t-il sa journée en décollant son cerveau du réel ?
Peu de monde dans le tram du matin. Un homme au crâne dégarni vêtu d’un simple pull — à se demander comment il supporte le froid ? Deux stations plus loin, il descend à proximité de la gare et tire derrière lui un cabas à roulettes coloré.
Au passage de la cabine avant, il salue le chauffeur d’un signe de la main. Fait aussitôt un nouveau signe au conducteur, trois pas en arrière, il appuie sur le bouton d’ouverture de la porte de la rame pour une jeune femme qui arrive en courant.
Il sourit. Elle s’engouffre, ne le remercie même pas. Un nouveau signe au chauffeur de la part de l’homme qui repart en boitillant de la jambe gauche. La porte se referme, la cloche tinte, le tram poursuit son parcours.
Tandis que la voix égrène les stations à venir, le tram ralentit et aborde un virage à gauche. Dans la courbe, une placette, un banc public entouré de pigeons. Un SDF est allongé dans un épais duvet noir, sa tête disparaissant dans le sac de couchage.
« Plus personne dans la rue d’ici la fin de l’année » avait annoncé le Président en juillet 2017 affirmant qu’il s’agissait de loger tout le monde dignement. Pourtant, plus de quatre ans plus tard, les SDF continuaient de tenter de survivre dans les villes, par toutes les saisons.