Ce qu’il faut de nuit
C’est une histoire d’hommes. Un trio familial qui se délite petit à petit dans l’absence de mots, la résignation, le manque d’argent, le manque d’amour. C’est un père qui vit dans la perte de sa femme et la fierté de ses fils. L’aîné, Fus, brille au club de foot. Gilou, le second, est fan de son grand frère.
Par petites touches pourtant, le tableau d’une vie simple à trois se fissure. Le père s’efface de son rôle, l’aîné prend son frère en charge et se met à fréquenter un groupe d’extrême droite. Oh, il est gentil celui-là, et bien élevé, il ne se laissera pas démonter le cerveau. Et pourtant… Pourtant le père est incapable de mettre des mots sur ce que vit son fils et ce que ça lui fait. Le foot et le stade ne parviennent plus à relier cette famille. Le père se terre dans une alternance de silence et de mépris. Il déteste même et perd pied. Jusqu’au drame.
C’est une histoire de solidarité aussi. Quand tout semble échapper, quand pas grand-chose vous retient au fil des jours, restent les amis, les voisins, ceux qui ont toujours été là pour vous. C’est un territoire de seconde zone où le travail manque. Un lieu que la jeunesse s’empresse de quitter pour des études ou la quête d’une vie meilleure.
Avec une langue simple — qui aurait parfois mérité d’être défaite de ses tics d’articulation de phrases — Laurent Petitmangin sert un premier roman qui embarque implacablement. Au fil des pages la tension monte, le drame semble inéluctable mais il est impossible de savoir quand ou comment il surgira.
« Août, c’est le meilleur mois dans notre coin. La saison des mirabelles. La lumière vers les cinq heures est la plus belle qu’on peut voir de toute l’année. Dorée, puissante, sucrée et pourtant pleine de fraîcheur. […] Cette lumière, c’est nous. Elle est belle, mais elle ne s’attarde pas, elle annonce déjà la suite. »
Ce qu’il faut de nuit est paru à la Manufacture de livres. Il a reçu le prix Stanislas 2020, meilleur premier roman de la rentrée littéraire.