À travers les mondes
Ceux qui viennent d’ailleurs
Chevauchent la mer
Quand ils n’ont plus de terre
Quittant une vie d’infortune et de barbarie
Ils paient au prix fort leur droit à exister
Sous le poids des armes, de la menace, de la violence
Des trafiquants d’humanité acculée
Les pressent dans des rafiots surpeuplés
Poussés au large qu’importent les conditions
Ceux qui viennent d’ailleurs
Leurs poches délestées et le cœur gros d’espoir
Traversent dans la nuit, le temps mauvais d’hiver, le soleil du plein jour
Parmi eux, ceux qui cessent de vivre en pleine échappée
Trouveront un dernier refuge dans les eaux internationales
Pourquoi s’accrocheraient-ils à cet ailleurs idéalisé quand, ils le savent bien,
Au fond, la terre promise demeure loin de tout horizon ?
Apatrides basculant dans les profondeurs de l’oubli
D’autres aux sourires dents de lait
Sont mangés par l’effroi
Ce que les corps des aînés transpirent et qu’ils ne nomment pas
S’infiltre dans leur territoire intime
Ressac au dedans, tempête sans mots, blessure béante
L’une accouchera
Au milieu de ces eaux qui semblent sans limite
Et la violence de la vie naissante
Embarquera les visages vers un rivage de joie
Comment est-ce possible se diront-ils ?
Comment l’injustice du monde saisira-t-elle celui-ci
Risquant déjà sa vie à peine éclos
Brassé par les flots vers un territoire dans lequel personne ne voudra lui faire une place
Pas même la plus petite
Pour l’aider à grandir, à refermer les plaies que la vie lui a faites
Et l’encourager à advenir
Ceux qui viennent d’ailleurs
Chevauchent la mer
Quand ils n’ont plus de terre
Ils emportent leur drame en guise de bagage
Comptant sur notre humanité pour les en délester.