Librairie Détours
C’est l’histoire d’un rêve, d’une utopie, d’un projet qui se concrétise grâce à la solidarité et au soutien d’autres.
Nailloux est une ville perchée sur les coteaux du Lauragais, où souffle le vent d’autan, à proximité de Toulouse et de Pamiers, de Villefranche-de-Lauragais.
Il y a près de 11 ans, Nathalie Fontaine, libraire, y ouvre Détours. La librairie est située à un carrefour, dans un local en location. Elle devient rapidement “la librairie du coin” où il se passe des choses. Le bouche à oreilles fonctionne, le public répond présent.
Les années passent, la librairie tient, malgré des épisodes de vent fort et quelques intempéries.
Chemin faisant, Nathalie aimerait bien pousser les murs. Réinventer l’espace pour de nouvelles aventures. Mais les contraintes de la location réfrènent ses envies, aussi elle se prend à rêver… Elle rêve à plus grand, à un lieu qu’elle investirait pleinement, le façonnant à sa mesure, aussi beau que pratique, fonctionnel et accueillant…
Évidemment, dans ce genre d’histoires, la question de l’argent est vite la limite. Mais le rêve ne se racornit pas pour autant, il se poursuit, il s’agrandit même.
Nathalie Fontaine déniche le local idéal : plein cœur de ville, dans la rue principale, une maison avec un jardin filant sur l’arrière, de la lumière naturelle, de quoi faire quelque chose de beau, vraiment ! Une librairie avec des bureaux à l’étage, une pièce où accueillir des artistes, pourquoi pas…
L’occasion est trop belle, elle se doit de la sasir ! Elle monte un dossier auprès de sa banque qui hésite, tortille, négocie : “oui, mais…”. En parallèle, elle lance une souscription par financement participatif. Elle aurait besoin de 10 000 €, elle en reçoit plus de 16 000 ! Après d’âpres négociations et de pénibles rebondissements, la banque finit par consentir à sa part de financement (non, mais !). L’achat se conclut et le chantier de restauration du lieu débute.
Participation des client-es, des ami-es, les mains à la pâte se succèdent et le soutien est constant. L’ouverture approche, l’heure du déménagement se précise.
Le dimanche 17 février, Nathalie Fontaine a invité celles et ceux qu’elle connaît, qui ont témoigné leur soutien, à lui donner un nouveau coup de main pour faire circuler les cartons de livres et les meubles d’une librairie à l’autre. Elle se prend à imaginer une chaîne humaine, se passant les cartons de mains en mains tout au long des les 200 mètres qui séparent les 2 lieux. Qu’à travers la ville et sa circulation automobile, ce soient les livres qui régulent le trafic, avec les bibliothèques déplacées par porteurs spéciaux.
Rendez-vous est pris pour 11 h. Certain-es arrivent de bonne heure, plus de 60 fourmis se rencontrent et font leur part à travers la ville. Le vent souffle fort, les sourires sont présents, et la bonne humeur donne des forces, si bien qu’à 11 h 30, les cartons ont migré, les meubles avec.
Puisque tout a été savamment préparé, les cartons arrivés à destination sont ouverts, les livres aussitôt rangés dans les bibliothèques, elles-mêmes installées selon le plan établi.
En une brève matinée, la nouvelle librairie est quasiment prête à accueillir sa clientèle. Le lieu est chaleureux, lumineux, on y trouve des coins lectures pour petits et grands et un fonds d’ouvrages édifiants. Une équipe super motivée a même pris le temps de nettoyer et labourer une partie du jardin.
Alors, vient le temps de partager un repas mis en commun, sous le vent qui envole les assiettes en carton, les serviettes en papier, et tente de tout renverser.
La solidarité existe, je l’ai rencontrée. Et puisque dans les campagnes, on aime les livres, il a semblé évident d’apporter son soutien, d’une façon ou d’une autre, à un projet fédérateur, d’ouverture et de culture. Un projet indispensable pour l’avenir de l’intelligence humaine. En plein territoire d’un village de marques, il se passe des choses autrement passionnantes.