Les Dépossédés
Sous ce titre, Les Dépossédés, je connaissais déjà l’excellent travail de Robert Mc Liam Wilson qui, au début des années 1990, a traversé le Royaume-Uni mis à mal par les années Thatcher, pour collecter des témoignages et tracer l’ampleur du désastre humain, social, sanitaire. Décrépitude de ces invisibles que les médias feignent d’ignorer pour leur préférer le dogme néolibéral et les images des people décérébrés dont il faudrait aduler la prétendue « vie de rêve » plutôt que de se contenter de vivre la sienne. Ce livre paru en 1992 n’est arrivé en France qu’en 2005 chez Bourgois…
2013, Trans Photographic Press publie Les Dépossédés, un livre de la photographe Édith Roux. République populaire de Chine, les ruines du vieux centre de Kashgar, province du Xinjiang. Là, des familles entières de Ouïghours, peuple autochtone, sont déplacées. Sous couvert de réorganisation urbaine, leurs maisons sont rasées, leur architecture niée, ses spécificités foulées aux pieds. Les traces d’une culture effacées.
Édith Roux a photographié les décombres. Replacé parmi les ruines ceux qui avaient vécu dans les lieux, des enfants le plus souvent ; des visages se reflétant dans des miroirs posés au sol.
Étrange décalage entre les corps dressés et les murs éventrés. Les vêtements apprêtés et les briques de terre fracassées. En Chine, il semble que les Ouïghours n’aient guère le choix. Les photos d’Édith Roux disent la détresse et l’absurde. On parle dans les pages de l’ouvrage d’une « guerre cachée » chinoise.
« Nous sommes hélas familiers des visions de villes détruites en temps de guerre. Mais au Xinjiang, c’est en temps de paix que se déroule une opération de destruction urbaine destinées à emporter avec elle une culture architecturale, des sociabilités et des traditions qui dessinaient l’identité d’un peuple de grande culture. » Jean-Paul Loubes